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Manuel macronien

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Manuel macronien

Comme le précise l’éditeur, « l’auteure a choisi des thèmes qui résonnent fortement aujourd’hui : danger de la puissance publique, femmes et étrangers dans la cité, violence et retenue de la violence, émeute populaire et loi martiale… Elle compose ainsi un bréviaire du révolutionnaire salutaire et étonnement moderne. » Sophie Wahnich se situe très clairement à l’extrême gauche et son travail a ceci de remarquable qu’elle assume parfaitement toutes les dérives du pouvoir révolutionnaire, mettant à jour ce qu’une historiographie prudente a(vait) tendance à dissimuler. Son recueil de textes est une mine épuisable de trouvailles ou de ressources, anecdotiques comme le grotesque pater noster sans culotte (« Pardonnez-nous les fautes que nous avons commises, en supportant si longtemps les Tyrans dont nous avons purgé la France, comme nous pardonnerons aux Nations Esclaves, quand elles nous auront imités. »), essentielles comme le discours de Clermont-Tonnerre à l’Assemblée nationale à la veille de Noël 1789, sur la liberté religieuse (« Il n’y a pas de milieu possible : ou admettez une religion nationale ; soumettez-lui toutes vos lois ; armez-la du glaive du temporel, écartez de votre société tous les hommes qui professent un autre culte ; et alors effacez l’article de votre Déclaration des droits. Ou bien permettez à chacun d’avoir son opinion religieuse, et n’excluez pas des fonctions publiques ceux qui usent de cette permission. Voilà la justice, voilà la raison. […] Mais, me dira-t-on, les juifs ont des juges et des lois particulières. Mais, répondrai-je, c’est votre faute et vous ne devez pas le souffrir. Il faut refuser tout aux juifs comme nation, et accordez tout aux juifs comme individus […] il faut qu’ils ne fassent dans l’État ni un corps politique, ni un ordre »). Chaque texte éclaire la France d’aujourd’hui d’une lumière particulière, celle de l’idéologie radicale qui a présidé à sa naissance et continue, sourdement ou en plein jour, à informer les décisions et les pratiques de nos gouvernants, beaucoup plus persuadés de réincarner Louis XIV que Robespierre. Il convient de préciser que Sophie Wahnich justifie toutes les violences révolutionnaires au nom de la violence symbolique du roi et des mauvais révolutionnaires : « violence symbolique de l’amnistie des émigrés, du roi et des personnes qui l’avaient aidé à fuir ». Ce parti-pris d’aller chercher dans les lettres, les mémoires, les cahiers de doléances, les pétitions et les archives parlementaires tout ce qui explique et précède chaque violence et chaque fondement de l’ordre nouveau met à jour le ressentiment permanent qui est comme le ressort et l’aliment de toute cette révolution, et encore aujourd’hui. En creux, on voit bien comment un pouvoir qui tire sa légitimité d’une telle logique ne peut, en retour, que contraindre le peuple de la manière la plus roide tout en prétendant le libérer chaque matin. Ne croirait-on pas voir décrits ici Macron, ses séides, ses militants et ses projets de lois contre la haine ? « Les citoyens timides, les hommes qui aiment leur repos, les heureux du siècle, les sangsues de l’État et tous ceux qui vivent des abus publics, ne redoutent rien tant que les émeutes populaires. Aussi s’élèvent-ils sans cesse contre les écrits énergiques, les discours véhéments, en un mot contre tout ce qui peut faire vivement sentir au peuple sa misère et le rappeler à ses droits », explique Marat dans L’Ami du peuple à propos de la loi martiale. On connaît tous les heureux effets et de la contrainte et du déchaînement, ayant rapidement mené à la dictature napoléonienne. La Révolution française est un laboratoire toujours actif, un creuset toujours brûlant, d’où coule une société sans cesse “régénérée”, c’est-à-dire en permanence détruite.

Sophie Wahnich, L’Intelligence politique de la révolution française. Un laboratoire pour le temps présent. Documents commentés. Textuel, 2019, 160 p., 15,90 €.

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