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Ligne droite et ornements

On croise deux wagons de l’Orient Express dans la nef du musée des Arts décoratifs. Une cabine de l’ancien Étoile du Nord et les maquettes du Nouvel Orient Express, imaginées par Maxime d’Angeac : son Fauteuil pivotant (ateliers Jouffre) et son Tapis pour le bar (Atelier Février) sont à la fois nostalgiques et contemporains.

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Ligne droite et ornements

Ne boudons pas notre plaisir, on croirait voir les maquettes du paquebot France avant qu’il n’appareille et la France prouve une fois de plus qu’elle sait réinventer son passé grâce à ses artisans de talent guidés par l’amour de la tradition, la science de leurs métiers et l’adaptation intelligente à leur époque – n’en tirons aucune leçon politique, n’est-ce pas.

Passée la nef, l’exposition est plus classique et met en avant (dans des mises en scène qui nous font pénétrer dans l’avion Dewoitine D338 ou dans un appartement, ou plus sagement en alignant les objets) dans l’univers géométrique mais sensuel de l’Art déco qui revendique le plat et la droite mais ne cesse de courber les lignes et de paver les surfaces des marqueteries les plus raffinées, comme ce cabinet État rectangle fleur (1922) de Ruhlmann qui n’a rien à envier à ses prédécesseurs de style Louis XV. Artistes et décorateurs oscillent entre fausse sévérité (le paravent Briques d’Eileen Gray, c. 1920) et opulence assumée (bahut Élysée de Ruhlmann, c. 1920) ; les Paons de Pérot, par la grâce du ferronnier Léon Conchon, couronnent des fruits sombres, une Coiffeuse de 1928 imagine un cocon en reliant d’un seul tenant l’assise et la psyché, Cassandre crée en 1927 l’alphabet Bifur, modèle d’équilibre instable entre noir et jaune, et l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, en 1925, permet à Lalique (Porte d’entrée du pavillon Lalique) et Mallet-Stevens (Pavillon des Renseignements et du Tourisme) d’imaginer les architectures les plus monumentales, les plus élancées et les plus raffinées, contrariant sans cesse, en fait, la droite, perpétuellement cassée, déplacée, brouillée par le motif – je veux dire agrémentée.

Peu d’objets du quotidien (contrairement à l’exposition « Art déco France / Amérique du Nord » de 2022, à la Cité de l’architecture), beaucoup de pièces somptueuses destinées à une clientèle aisée, l’exposition adopte franchement un parti pris de modernité cossue bien à l’image de ces trains et de ces paquebots qui laissaient à quai le plus grand nombre mais réussissaient à enthousiasmer jusqu’aux plus humbles : rêvons avec eux.

 

1925-2025. Cent ans d’Arts déco.

Musée des Arts décoratifs, jusqu’au 26 avril 2026.

Illustration : Porte d’Orsay de l’Exposition internationale des arts décoratifs de Paris, 1925 © Les Arts Décoratifs

 

 


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