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L’homme est un loup pour le loup

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L’homme est un loup pour le loup

László Krasznahorkai, écrivain hongrois, parfois plus connu en tant que scénariste de Béla Tarr, bien que peu lu en France, est sans doute un des plus grands auteurs contemporains. Son style, il est vrai, est quelque peu hermétique, dans la mesure où il refuse sciemment la notion de paragraphe, et même celle de phrase. Manière d’exprimer, par la déstructuration du langage, celle de notre monde. De faire éprouver au lecteur, non seulement par le contenu mais par la forme, le désordre qui règne et la menace qui plane sur notre époque. Style apocalyptique pour un temps qui ne l’est pas moins.

Dans cette nouvelle, datant de 2009 mais parue seulement maintenant en français, traduite comme d’habitude par Joëlle Dufeuilly, Krasznahorkai pousse sa logique jusqu’au bout, en racontant son histoire sur une unique phrase longue de plus de soixante pages. Le lecteur est ainsi sommé de lire d’une traite, pour suivre le curieux périple d’un ancien professeur de philosophie, désabusé car convaincu que la pensée « est finie », en Estrémadure, contrée reculée d’Espagne où il est invité à faire un reportage, lequel va vite se transformer en une enquête sur les circonstances de la mort du dernier loup de la région. Un loup, fier et rusé, qui résista pendant de nombreuses années aux assauts humains, et qui représente autant le danger de la nature que sa beauté, sur le point de disparaître sous les progrès de la civilisation matérielle : « Cette Estrémadure se trouve en dehors du monde, […] et c’est pourquoi tout y est si merveilleux, aussi bien la nature que les gens, mais personne n’a conscience du danger que représente la proximité du monde ». Le loup est probablement mort, mais le professeur, même de retour à son lugubre bar berlinois, se remémore l’histoire dont il modifie chaque jour le dénouement, autant dans son esprit que dans le nôtre.

Par Olivier de Lérins
  • Le dernier loup, László Krasznahorkai, Cambourakis, 2019, 96 p., 15€

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