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Les variétés connaissent leurs classiques

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Les variétés connaissent leurs classiques

Les thèmes issu du répertoire classique dans les variétés et les musiques dites actuelles sont légion. En butinant au rayon des adaptations dans le supermarché de la consommation musicale, on s’aperçoit combien le monde de la variété s’approvisionne aux meilleurs jardins classiques : copie, emprunt, allusion, arrangement, remixage, tout est bon, tout y passe… On imagine peu l’ampleur du phénomène. Les auteurs modernes seraient-ils à ce point à court d’inspiration ?

La notion de propriété intellectuelle (effective en droit depuis 1967), celle d’œuvre originale protégée n’émergèrent qu’au XIXème siècle mais n’entamèrent qu’assez peu l’habitude d’un efficace recyclage.

Sur la scène française

Venant d’une ancienne habitude des musiciens populaires d’accoler de nouvelles paroles à des timbres célèbres, cette pratique assure le succès de l’interprète s’appuyant sur un auteur consacré. Beaucoup de tubes sont tout simplement repiqués du grand répertoire. C’est le cas de La Valse des regrets (1943), chantée par Georges Guétary, qui n’est autre que celle en la bémol mineur de Brahms. Gloria Lasso fredonne des vers de Francis Blanche dans Etrangère au paradis (1955), un de ses triomphes emprunté à la comédie musicale Kismet (1953), elle-même calquée sur Le Prince Igor de Borodine. Usant d’un semblable ostinato de caisse claire et de la même structure en crescendo, Et maintenant (1961) de Gilbert Bécaud paraphrase allègrement le Boléro de Ravel. Dans le port d’Amsterdam (1964) de Jacques Brel se décline sur les enchainements harmoniques du traditionnel anglais Greensleeves. Richard Anthony susurre Aranjuez, mon amour (1967) sur l’adagio du Concerto d’Aranjuez de Joaquin Rodrigo. Michel Delpech parolise le Rondo alla Turca de Mozart avec Tête de turc (1967). Inspiré de celui d’Albinoni, L’Adagio du Pont Caulaincourt (1968) de Mouloudji précède celui de Lara Fabian (2000). Je chante avec toi, liberté (1981), par Nana Mouskouri, adapté du Nabucco de Verdi, s’empare d’un chœur célèbre déjà revisité en 1974 à coups de synthétiseurs par Waldo de Los Rios, un accoutumé du relooking intensif. Mireille Mathieu se prend pour la Norma avec Mille colombes (1977). Arrangé par Auric, le Poco allegretto de la 3e symphonie de Brahms génère Quand tu dors près de moi sur des paroles de Françoise Sagan pour le film Aimez-vous Brahms en 1961. Les deux acteurs Yves Montand et Anthony Perkins enregistrèrent chacun leur version d’un succès repris ensuite par Dalida. En 1970, Johnny Halliday déclame Poème sur la 7e : la symphonie de Beethoven résonne originalement associée à des paroles de Philippe Labro. Sa 8e Sonate dite Pathétique est rebaptisée Midnight blue (1982) par Louise Tucker puis Midnight blue en Irlande par Michèle Torr. Sylvie Vartan chante sur une valse de Chopin dans Le silence (1969) et affadit la 41e Symphonie dans Caro Mozart (1971). Maurane ne cèle rien de son admiration pour le cantor de Leipzig avec Sur un prélude de Bach (le 1er du Clavier bien tempéré),
déjà utilisé par Jane Birkin dans Fuir le bonheur de peur qu’il ne se fane (1983). Henri Tachan s’approprie la magnifique Fantaisie D 940 de Schubert dans Pour un peu d’amour (1998).

L’émouvante Pavane de Fauré se voit déformée en funk dans Tous les maux d’amour (1999) par Norma Ray. La Moldau de Smetana supporte le pâle J’aurai voulu (2001) de Marc Lavoine. Tandis qu’Arthur
H. orientalise la Première gnossienne dansLa chanson de Satie (2005), Arielle Dombasle accommode la Sarabande d’Haendel à son Odysseus (2008).

Roi des emprunteurs, reconnaissons à Serge Gainsbourg son honnêteté : il avait pleinement conscience de travailler dans un « genre artistique mineur ». L’argument justifie son absence d’inspiration musicale et ses emprunts sans vergogne : BB initials (1er mouvement de la Symphonie du Nouveau Monde de Dvořák), Lost song (Chanson de Solveig du Peer Gynt de Grieg), Baby alone in Babylone (Poco allegretto de la 3e Symphonie de Brahms), Lemon Incest (3e Etude op.10 de Chopin), Ma Lou Marilou (Sonate op. 57 n°23 Appassionata de Beethoven), My Lady Heroine (Sur un Marché Persan de Ketelbey), Jane B. (4e Prélude op. 28 de Chopin), Aux Armes et cætera (La Marseillaise de Rouget de Lisle), etc. N’est-ce pas en fin de compte Beethoven avec le Prestissimo de sa Sonate en fa mineur qui remporta le concours de l’Eurovision 1965 lorsque France Gall entonna Poupée de cire, poupée de son ?

Pop internationale

Ce procédé de récupération est commun à l’ensemble des chanteurs de la planète et des auteurs d’adaptations plus ou moins réussies. Full Moon and empty arms (1945) de Franck Sinatra emploie comme canevas l’Allegro scherzando du Concerto en ut mineur de Rachmaninov. L’Adagio sostenuto de ce même concerto s’immisce dans All by myself (1975) d’Eric Carmen, repris ensuite par Céline Dion. Dans l’antre du roi de la montagne du Peer Gynt de Grieg est revisité par le groupe britannique The Who dans Hall of the mountain King (1967). The Windmills of Your Mind (1968), song composé par Michel Legrand pour la bande originale du film L’Affaire Thomas Crown, sort tout droit de l’Andante de la Symphonie pour violon et alto K 364 de Mozart : il reçut le Golden Globe et l’Oscar de la meilleure chanson originale (?!) en 1969. Rain and Tears (1968) des Aphrodite’s Child est basé sur le Canon de Pachelbel tout comme Stay (1997) du groupe allemand Sach, coutumier de l’allusion au grand répertoire : la Toccata et Fugue de Bach apparait dans Little river (1998), le Printemps de Vivaldi dans La Primavera (1998), sans compter leur vision disco du Nessun dorma (2002) de la Turandot de Puccini. La Lonely lovers symphony de Giorgio Moroder (1973) orchestre la Bagatelle en la mineur diteLettre à Elise. Sait-on ce que Could it be magic (1973) de Barry Manilow doit au Prélude n° 20 en do mineur de Chopin, repris par Donna Summer qui en assure le succès planétaire, puis en français par Alain Chamfort sous le titre: Le temps qui court (1975)? Tandis que l’icône new wave Klaus Nomi popularise l’air What Power Art Thou du King Arthur de Purcell qu’il rebaptise « Cold song » (1981), Sting inclut dans Russians (1985) la romance du Lieutenant Kijé de Prokofiev (elle-même modelée sur une ballade populaire « La petite colombe grise gémit »). Jusqu’à l’incontesté roi de la pop, Michael Jackson, qui intègre La grande porte de Kiev de Moussorgsky dans History (1995). L’américain Coolio rappe C U When U Get There (1997) sur le Canon de Pachelbel. Amy Lee, du groupe rock Evanescence, surfe à la metal epic dans l’album The open door (2006) sur le Lacrymosa du Requiem de Mozart. Les anglais de Muse (rock alternatif) puisent abondamment dans les romantiques (Berlioz, Liszt, Tchaïkovski, Rachmaninov) comme dans United States of Eurasia (2009) où le Nocturne en mi bémol majeurde Chopinest joué au piano à la fin de la chanson par Matthew Bellamy. De même insère-t-il son « air d’opéra préféré » : Mon cœur s’ouvre à ta voix (Samson et Dalila de Saint-Saëns) dans I belong to you : le résultat est franchement abominable.

Connaitre et reconnaitre ?

Outre ces reprises assaisonnées au goût du jour, les citations abondent également. Subtilité ou hasard, l’incontournable Les feuilles mortes (1945) de Joseph Kosma recycle un élan mélodique du Poème d’Octobre de Massenet. L’Enfant aux papillons (1968) de Sylvie Vartan cite quelques mesures de la Danse d’Anitra du Peer Gynt de Grieg. Plus cocasse et peut-être symptomatique, le thème « Backsheesh, Backsheesh, Allah », entonné par le chœur de mendiants arrivant Sur un marché persan dans le poème symphonique de Ketelbey se retrouve textuellement au début de L’Amérique (1970) de Joe Dassin. Freddie Mercury, vocaliste de Queen, ose l’air de Pagliaccio de Leoncavallo au début de It’s a hard life (1984). Mylène Farmer fait retentir les premières mesures du Tannhäuser de Wagner pour introduire Jardin de Vienne (1988). Et le Cantabile de Carl Philipp Emmanuel Bach fournit à la Lucie (1996) de Pascal Obispo son introduction pianistique.

Reprendre une mélodie existante est un procédé universel vieux comme Mathusalem, depuis la « messe parodique » du XVIème siècle jusqu’aux multiples « variations sur un thème de ». Nulle réminiscence inconsciente donc, mais copie revendiquée. Citer des musiciens reconnus dans ses propres œuvres, c’est aussi courir le risque de la comparaison. Voire… car il faudrait pour ce faire que les aficionados se révèlent capables d’identifier la source ! L’emprunt d’un thème traduirait-il une recherche de filiation ou de légitimation artistique, ou le désir d’assurer une durable postérité à sa création en puisant dans les auteurs indémodables, la notoriété de l’original rejaillissant sur son lointain descendant ? Omniprésents filigranes des chansons ; les classiques confirment indirectement leur statut d’incontournable référence.

Détournement de classique !

Le prestige du répertoire consacré demeure tel auprès des stars du show business que nombreuses sont celles qui souhaitent l’approcher ou se sentent le devoir de l’adapter. Des programmes entiers de disques en témoignent : le rock progressif d’Emerson, Lake & Palmer s’attaque aux Tableaux d’une Exposition (1971) de Moussorgski tout autant qu’au Casse-noisette de Tchaïkovski. Dave a enregistré un album « Classique » (1998) réunissant des chansons sur des musiques de Bach, Gounod, Beethoven, Liszt, Mozart, Schubert, Dvorak et Wagner. Le CD « Un jour on vit » de Frida Boccara (1999) nous offre un florilège Haendel, Bach, Telemann, Smetana, Granados … Fuyant l’ignoble « Extase » (2006) d’Arielle Dombasle (Mozart, Fauré, Rodrigo, Delibes), on apprécierait presque le « Classic » (1999) de Nana Mouskouri ou Florent Pagny, dont l’album « Baryton » (2004) présente quelques airs de… ténor, mais transposés ! Après tout, l’amateur de variété n’a pas d’oreille… En 1997 « Overture – Hip-Hop meets Classic » par The Rapsody déroule une série de mélodies classiques connues, liftée à la mode hip-hop par des « spécialistes », comme L.L. Cool J. Le new-age « Classics » (2009) d’Era où guitares et synthétiseurs relookent Caccini, Vivaldi, Verdi, Mahler, Barber.

Peut-on souscrire au fallacieux argument de démocratisation culturelle ? Etrange idéologie que de réduire le peuple à apprécier la beauté intemporelle à travers le prisme d’une aléatoire et fugace modernité en triturant et en laminant les chefs-d’œuvre pour les faire entrer dans le moule de la pulsation binaire triomphante. Ils n’ont guère besoin de ce travestissement éphémère pour traverser les siècles. Autant l’affirmer sans ambages, l’original demeurera toujours supérieur à son avatar !

Terminons ce survol partiel par la saine bonne humeur et la verve réjouissante. L’humour n’est effectif qu’à l’expresse condition que l’auditeur connaisse l’œuvre parodiée comme dans le cas des 4 barbus transformant la 5e symphonie en histoire de La pince à linge ou des Frères Jacques détaillant Le complexe de la truite d’après le Quintette D 667 de Schubert. Henri Salvador s’empare de l’air de Gilda (Rigoletto de Verdi) pour raconter l’histoire burlesque de Juanita Banana (1966). Anne Sylvestre adresse de son côté une Lettre ouverte à Elise. L’allusion stylistique peut être spirituelle dans le cas du Wolfgang et moi (1973) de Marie-Paule Belle dont l’exercice s’apparente à un « A la manière de ».

Ce qui valait encore dans les années d’après-guerre semble inconcevable aujourd’hui. Le classique est mis à toutes les sauces pourvu qu’elles soient lucratives : Colette Deréal chante Les Quatre saisons (1971), non pas sur Vivaldi, mais sur l’air de la 40e symphonie de Mozart ! Signe de l’inquiétante indigence culturelle de notre siècle, le groupe Rotterdam Terror Corps, dans Beethoven on XTC, cite le début de la Toccata et fugue en ré mineur de … Bach! Laissons provisoirement le mot de la fin à Boris Vian, amusant parolier de la Marche turque de Mozart :

Cha cha cha, cha cha cha,

Ah non vraiment, on
n’est pas forts,

cha cha cha, cha cha
cha,

Mozart ne méritait
pas ça… Mais faut bien vivre !

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