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Les vérités cachées de la guerre d’Algérie

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Les vérités cachées de la guerre d’Algérie

Ce livre est un bon livre, car il part d’une intention honnête et il est fidèle jusqu’au bout à cette intention : chercher les vérités cachées derrière les passions, les polémiques et les mensonges installés. L’auteur fait, comme on dit, la part des choses, ne cache rien de ce qui doit être dit des menaces, des violences inouïes, du terrorisme… Il ne sombre ni dans l’anachronisme, ni dans l’inéluctabilisme, qui sont les défauts si courants dans les livres d’histoire et il se garde bien de juger. Le lecteur, lui, à la réflexion, peut en dire plus que l’auteur, et il faut lui en être reconnaissant – à l’auteur – car c’est la preuve qu’il excite l’intelligence et force à réfléchir. Ainsi, d’autres conclusions, non dites, surgissent, après celles qui ont été consignées dans le livre.

D’abord, le personnage et l’action de De Gaulle, qui apparaît comme un véritable homme d’État, le seul politique, face auxquels les nains de la IVe République – et les généraux rebelles – font figure d’enfants incapables de penser vraiment une action. Mais ce personnage, qui domine cette histoire, est, aussi, profondément malfaisant. Son action, sa détermination, son intransigeance se déploient avec efficacité contre les siens. Il n’est jamais autant lui-même que contre les Français d’Algérie, les généraux et les officiers rebelles parce que loyaux envers les musulmans fidèles à la France. Avec eux, pas de quartier ! On fusille, on emprisonne, on destitue, on abandonne. « Peyrefitte, ne cherchez pas à m’apitoyer ! »

Face au FLN ce ne sont que concessions, reculades, abandons… pour en finir au plus vite. On avait dit « pas le Sahara », on lâche le Sahara ; on avait dit trois ans pour les Français d’Algérie, avant de choisir de rester ou de partir, on abandonne tout délai. De Gaulle n’est vraiment lui-même que contre ses compatriotes. Fâcheuse réplique de l’appel du 18 juin contre « les gouvernements de rencontre qui ont pu capituler… » Plus anti-Pétain qu’anti-allemand…

Ensuite, une dimension morale, psychologique, pour la jeunesse de France, qui avait, en 1958, avec l’Algérie Française, un rêve qui aurait pu devenir une magnifique réalité : un Far West, une expansion, une richesse, un dévouement aux populations… ce que les milliers de Français ont su faire tout au long de leur histoire et que l’armée avait commencé avec la magnifique aventure des S.A.S. où ces jeunes gens que nous avons connus partis Blousons Dorés des quartiers riches de la capitale, nous revenaient, en permission, avec les yeux de Psichari et un sourire à la Charles de Foucauld… Comment ne pas voir que mai 68 est l’enfant perdu de l’échec, de la déception, de la trahison de mai 58 ?

De Gaulle voulait libérer la France du boulet algérien. Le boulet algérien est devenu une canonnade à domicile. Rien n’a été résolu. Il ne faut jamais se résigner à l’inéluctable. Ce qui a été scandaleusement démoli de 1956 à 1962, par le mensonge d’État et la guerre civile menée contre les meilleurs de nos soldats, devra être repris, quoiqu’on en pense soixante-dix ans après. Boualem Sansal, que cite Jean Sévillia, l’avait dit, à la réception du prix Clara Lanzi, au Secours de France, le mois dernier aux Invalides : « Il faut que nos enfants, à défaut d’être concitoyens, deviennent les meilleurs amis du monde… »

Au-delà de ces impressions qui remontent à la mémoire de ceux qui ont connu cette tragédie dans leur jeunesse, le livre de Jean Sévillia participe de cette œuvre fondamentale qui s’appelle « le rétablissement de la vérité ».

Ce travail commence par la recherche et l’énoncé des faits. il faut aussi que la clarté de l’écriture et la simplicité du style incitent à la lecture. C’est une autre grande qualité de ce livre qui présente ainsi aux générations qui ne l’ont pas connue cette histoire scandaleusement déformée ou carrément occultée par les passions partisanes. Ainsi Jean Sévillia poursuit-il son œuvre, déjà impressionnante, au service des « vérités cachées ».

Les vérités cachées de la guerre d’Algérie, Jean Sévillia, Fayard, 414 pages, 23 €

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