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Les enjeux théologiques de la traduction du missel

La nouvelle traduction française du missel romain, à la gestation difficile, se rapproche du texte latin. Mais les différences assumées qui subsistent montrent bien l’enjeu de toute traduction : influer sur la foi à travers les prières.

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Les enjeux théologiques de la traduction du missel

L’adage Lex orandi, lex credendi (comme on prie, on croit) servait, à l’heure dépassée des guerres liturgiques, à soutenir l’idée des supposés errements théologiques de la “nouvelle messe” issue du concile de Vatican II. Elle n’aurait été qu’un cheval de Troie dont le but final était la ruine de l’Église et de la foi. Utilisé pour faire peur, il n’en demeure pas moins que l’adage possède, dans sa concision, une part de vérité : une modification de la Lex orandi – ici par une traduction – peut modifier, tôt ou tard, la Lex credendi.

Le missel de Paul VI, promulgué le 3 avril 1969, connaîtra plusieurs éditions typiques (i.e. l’édition officielle, faisant foi, d’un livre) : 1970, 1975 et celle de 2002-2008. Ces éditions furent suivies, pour chaque langue, d’une traduction approuvée par les autorités ecclésiastiques compétentes. C’est ainsi que, jusqu’à aujourd’hui et au plus tôt jusqu’au prochain avent, on utilise en France pour la messe en langue vernaculaire – ce qui a cours la plupart du temps – cette version française du missel romain.

Au prochain avent, en effet, doit entrer en vigueur une autre traduction demandée par le motu proprio Liturgiam authenticam qui ordonnait en 2001 la révision intégrale des textes. Ce document exigeait une traduction fidèle et, d’après les évêques, que cela embêtait, presque littérale. En 2017, la traduction étant dans l’impasse, tiraillée – comme toujours – entre les tenants de la plus grande fidélité à l’édition typique latine et ceux plus enclins à des adaptations, le pape François assouplit les critères par un nouveau motu proprio. Les principes qui ont présidé à cette révision sont la fidélité au texte original, la fidélité à la langue dans laquelle il est traduit et la fidélité à l’intelligence du texte utilisé par les destinataires. La conférence des évêques de France, jamais à court de formule, nous assure que cette nouvelle traduction permettra « au peuple chrétien de faire un pas supplémentaire dans l’intelligence du mystère pascal du Christ ».

Donc, après bien des difficultés, qui n’ont pas permis de respecter le délais imposé par Liturgiam anthenticam, on voit enfin cette nouvelle traduction du missel romain. Les changements sont importants et certains essentiels (ils avaient été précédés par la modification du Pater avec l’abandon du « et ne nous soumets par à la tentation », théologiquement ambigu). Ainsi, par exemple, on restituera dans le Credo le « consubstantiel au Père » au lieu du semi-arien « de même nature ».

Est-on plus intelligent aujourd’hui ?

Pourquoi, après 50 ans, est-il nécessaire de faire une nouvelle traduction ? Serait-ce que « l’intelligence du mystère pascal » n’était pas adéquate en 1970 ? Il est vrai qu’alors les choses furent faites en urgence et presque dans la précipitation euphorique de tout reconstruire. On peut supposer, cependant, que les principes de fidélité avancés pour la nouvelle traduction étaient déjà ceux qui guidaient la première car, après tout, il n’y a là que des principes logiques, inhérents à n’importe quel travail de traduction. Ou alors, si c’est vraiment « un nouveau pas », nous serions conduits à en faire de nouveaux tous les 50 ans par des traductions sans fin : l’intelligence des fidèles est changeante comme l’est la langue. Si le latin, figé, assurait une stabilité linguistique et théologique, les textes en langues vernaculaires sont, quant à eux, destinés à se démoder, à devenir incompréhensibles. L’expression de la foi changeant, le risque est que son contenu change aussi, puisque nulle part, désormais, il n’existe une expression inaltérable du dépôt : les formules de la prière sont des formules de la foi.

La nouvelle traduction, malgré tout, a fait des efforts importants pour se rapprocher du texte latin originel, sans être toujours satisfaisante. Je vais tenter par deux exemples, qui ne présentent que peu de difficultés de traduction, de montrer l’effort fourni et les implications théologiques des choix effectués.

La première prière eucharistique, héritière directe du vénérable et séculaire Canon de l’Église de Rome, était la seule utilisée dans les rites latins jusqu’en 1969. Malgré son caractère très ancien, les liturges d’aujourd’hui – et les orthodoxes – lui reprochent de ne pas posséder d’épiclèse, invocation explicite à l’Esprit-Saint avant le changement des espèces du pain et du vin en corps et sang du Christ ; on peut cependant légitimement voir cette invocation dans la prière qui précède immédiatement les paroles consécratoires.

En voici le texte latin : « Quam oblationem tu, Deus, in omnibus, quaesumus, benedictam, adscriptam, ratam, rationabilem, acceptabilemque facere digneris : ut nobis Corpus et Sanguis fiat dilectissimi Filii tui, Domini nostri Iesu Christi ». Le missel de 1969 supprima ici les cinq signes de croix qui accompagnait cette prière. La traduction actuelle est celle-ci : « Sanctifie pleinement cette offrande par la puissance de ta bénédiction, rends-la parfaite et digne de toi : qu’elle devienne pour nous le corps et le sang de ton Fils bien-aimé Jésus Christ, notre Seigneur. » Voici la traduction prochaine : « Seigneur Dieu, nous t’en prions, daigne bénir et accueillir cette offrande, accepte-la pleinement, rends-la parfaite et digne de toi : qu’elle devienne pour nous le Corps et le Sang de ton Fils bien-aimé, Jésus, le Christ, notre Seigneur. »

Les différences sont visibles : des majuscules et une formulation qui, de fait, reprend des termes du texte latin. Cela dit, avec une traduction plus littérale on se rendra compte tout de suite de la différence du texte latin et des deux traductions françaises : « Cette oblation, toi, ô Dieu, nous t’en prions, daigne en tout point la bénir, l’agréer, l’approuver, la ratifier, la rendre digne et l’accepter : afin qu’elle devienne pour nous le Corps et le Sang de ton Fils bien-aimé, notre Seigneur Jésus-Christ. »

Le culte catholique, pour les pays francophones en tout cas, est soumis au flux des traductions, c’est-à-dire des interprétations.

L’insistance des verbes est frappante : bénir, agréer, ratifier, rendre digne et accepter. Cette suite ne peut être comprise que comme une façon de dire la solennité du moment. Cette insistance, jointe aux signes de croix, qui n’existent plus, était une façon de signifier la puissance agissante de Dieu : le Saint-Esprit. De plus, l’offertoire latin d’alors se concluait par une autre invocation (« Venez Sanctificateur, Dieu éternel et tout-puissant, et bénissez ce sacrifice préparé pour la gloire de votre saint Nom »). La version utilisée jusqu’ici se référait à cette invocation en priant « Sanctifie pleinement cette offrande par la puissance de ta bénédiction ». Si la nouvelle version française reprend tous les termes, ils sont agencés de telle façon que l’on perd en force et elle finira par jeter dans l’oubli le plus total l’ancienne invocation de l’offertoire. Cette nouvelle traduction met en évidence un défaut de l’édition typique elle-même ; de ce point de vue l’ancienne traduction était, pour une part, théologiquement meilleure.

Un futur à géométrie variable

L’autre exemple sont les paroles de la consécration (récit de l’institution selon le dit missel de 1969). Sans entrer dans les détails et montrer en quoi ce changement d’appellation est aussi une inflexion théologique sous-jacente, venons-en aux paroles elles-mêmes, communes aux quatre prières eucharistiques. La nouvelle traduction rétablit les majuscules disparues, on ne sait pourquoi dans l’ancienne, au « Corps » et au « Sang », de même les paroles consécratoires sont désormais typographiées en lettres capitales.

« Accipite et manducate ex eo omnes. HOC EST ENIM CORPUS MEUM, QUOD PRO VOBIS TRADETUR » : ce sont les paroles latines de la consécration du pain.

Le nouveau missel donnera toujours « Prenez et mangez en tous : ceci est mon Corps livré pour vous ». Toutefois, le latin possède, tout d’abord, un « enim », « car » ou « en effet », disparu des deux traductions. Rien, pas même la fidélité à l’intelligence des destinataires, n’empêchait de traduire par « Car ceci est mon corps, etc. » Cet « enim » souligne de fait fortement pourquoi il faut prendre et manger.

Ensuite, « tradetur » est un futur et non un participe présent « livré ». Rien n’empêchait de traduire « ceci est mon corps qui sera livré pour vous ». Ce futur a le mérite de souligner que l’Eucharistie est un sacrifice anticipé, celui de la Croix, et que c’est grâce à cette anticipation non-sanglante et « symbolique » que les disciples pourront comprendre le sens sacrificiel de la Passion. Le corps n’est pas livré là, le jeudi saint, mais bien le vendredi saint. On perçoit les incidences théologiques.

Les paroles de la consécration du vin donnent dans les deux traductions « coupe » plutôt que « calice » mais est gardé ici, étrangement, le futur « effundetur » : « sera versé », ainsi que le « enim » dans « prenez et buvez en tous CAR ceci est la coupe de mon sang… ». Je ne m’attarde pas sur le « pro multis » rendu de manière prudente par « pour la multitude » – « pour une multitude » aurait peut-être été mieux – plutôt que « pour beaucoup », aux relents jansénistes.

La consécration se termine par les paroles « Hoc facite in meam commemorationem », rendu par « Vous ferez cela en mémoire de moi ». Curieusement, le futur ici n’existe pas dans le texte latin et nous devrions avoir plutôt « Faites ceci en mémoire de moi », ce qui souligne le caractère impératif plutôt que l’invitation.

Idéologie et traduction

On peut trouver que tout cela est du détail byzantin. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’une traduction n’est jamais innocente pour ceux qui la font ; et quand il s’agit d’un texte de cette nature, ce sont les implications théologiques qui sont en cause. On espère que les “experts“ qui traduisent en prenant délibérément des distances avec un texte original, que rien n’empêche d’être suivi de plus près, rien sinon des présupposés théologiques, ont tout soupesé avant de se déterminer. Ainsi donc, c’est souvent la théologie – et à l’occasion l’idéologie – qui commande la traduction plutôt que l’inverse. Et c’est alors une inversion de l’adage : Lex credendi, Lex orandi.

Les traductions officielles sont le fait de spécialistes qui prétendent suivre les principes de fidélités émis mais qui suivent aussi d’autres critères échappant largement au peuple chrétien. Ces critères sont d’ordre historiques et liturgiques, et il faut avoir lu, au moins une fois, une étude d’histoire liturgique pour se rendre compte de ce que cette disciple est capable de produire en matière d’amphigourismes, d’exhumations archéologiques, de démangeaisons restauratrices, le tout enveloppé dans les méandres sibyllins de cette spécialité (ce que nous avons fait plus haut n’est qu’un très pâle reflet de ce que cela peut être) qui a présidé non seulement à la réforme liturgique mais aussi aux traductions françaises – la France fut l’un des fers de lance de la réforme liturgique. Bref, que nous le voulions ou non, il faut se faire à l’idée : le culte catholique, pour les pays francophones en tout cas, est désormais soumis au flux des traductions, c’est-à-dire des interprétations. Compte tenu que la messe de Paul VI – comme on l’appelle vulgairement – est très rare en latin, on a toujours, il est vrai, la possibilité de choisir la forme extraordinaire du rite romain. Outre le fait que cette possibilité ne soit pas garantie dans la durée – on ne sait jamais ce qui peut se passer à Rome : ce qui a été fait peut être défait –, il faut faire un petit saut théologique que d’aucuns ne peuvent pas faire, et ce n’est pas leur faute. Ceux qui font le saut le font parfois avec une mauvaise conscience comme s’ils avaient été pris le doigt dans le pot de confiture, en flagrant délit de gourmandise liturgique ou, pire, de réactionnisme fleurant trop l’encens pour être vraiment en phase avec le cœur de la catholicité. Pourtant, j’en suis convaincu, si un salut liturgique doit venir, pour tous, il viendra de là. Il viendra de la réconciliation du catholicisme français, et européen, avec le rite romain intégral, autrement dit : renouer avec une vraie mémoire liturgique. Ce qui n’est pas incompatible avec la pleine acceptation du missel promulgué en 1969.

 

Prière pour la communion de désir composée par Mgr Centène, évêque de Vannes :

Puisque je suis empêché de Te recevoir sacramentellement, viens au moins spirituellement visiter mon âme. […] Que ce jeûne eucharistique me fasse communier aux souffrances de Ton Corps mystique, l’Église, partout dans le monde où les persécutions, ou l’absence de prêtres, font obstacle à toute vie sacramentelle. Que ce jeûne eucharistique soit une réparation pour toutes les fois où je T’ai reçu dans un cœur mal préparé, avec tiédeur, avec indifférence, sans amour et sans action de grâce.

(Paroisse Saint-Vincent de Paul, Marseille).

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