Philippe d’Hugues traite de ceux qu’il appelle « les douze rois du cinéma italien », et qu’il aurait pu nommer les douze césars : Basetti, Soldati, De Sica, Rossellini, Visconti, Fellini, Antonioni, Pasolini, Cottafavi, Comencini, Rosi, Olmi. L’amateur pointu n’apprendra rien, l’honnête homme sera enchanté. Ce sont douze biographies, manière de lier l’œuvre et la vie, les bonheurs et malheurs de l’une expliquant l’autre, et inversement. Philippe d’Hugues a tout vu, même ce qui ne se voit plus, ou difficilement, comme les films fascistes de Rossellini (Le Navire blanc, 1941, Un pilote revient, 1942), dont il vante les mérites, ou l’adaptation du Secret du vieux bois, de Buzzati, par Ermano Olmi, en 1993. Il parle de tout avec un égal bonheur, avec l’autorité tranquille de celui qui sait et qui a comparé. Il ne cherche pas à être original, il affirme ses goûts en les justifiant, ne considérant jamais qu’une gloire acquise n’a produit que des chefs d’œuvre. Il égratigne Fellini, se donne les gants d’apprécier Pasolini, analyse finement Olmi, qui ne peut se résumer à L’Arbre aux sabots (1978) – ne serait-ce qu’à cause de La Légende du saint buveur (1988), où Rutger Hauer, qui vient de mourir, était admirable. Il exalte Cottafavi, esthète égaré en cinéma et qui réalisa, outre des péplums merveilleux, une foule d’adaptations pour la télévision. Il ne démontre aucune thèse et on a l’impression nette qu’il a puisé dans ses notes autant que dans ses souvenirs, s’attachant moins à célébrer en tant que telle Cinecittà, aventure politique et industrielle, qu’à rendre hommage à des réalisateurs et à des films qui sont autant de vieux compagnons, disparus ou presque, effacés par Amazon Prime et Netflix, relégués dans les catalogues. Chaque chapitre est comme un cierge allumé à leur mémoire, un signe adressé au lecteur en qui il espère allumer la même flamme cinéphile.
Par Richard de Seze
Philippe d’Hugues, Viva Cinecittà ! Ed. de Fallois, 2019, 250 p., 22 €.