A ceux qui veulent interdire aux églises de faire sonner les cloches parce qu’elles les dérangent dans leur sommeil, je réponds que les pauvres cloches autrefois bénies de la chrétienté rythmaient le quotidien des temps anciens. Elles appelaient les hommes à la prière. Elles écartaient la malchance. Elles annonçaient aussi les jours de fêtes, les baptêmes, les mariages, le décès. A chaque fois, à travers ces événements divers de la vie, on célébrait Dieu avec humilité, gratitude et joie. Les enterrements étaient aussi des célébrations de Dieu. Ils le sont encore pour beaucoup de chrétiens. La mort d’une personne est triste pour ceux qui restent, mais les cloches sonnaient toujours avec des intervalles sublimes, solennels et frénétiques, car un chrétien quitte son corps de péché et monte au ciel. Celui qui refuse le péché et vit sous la grâce de Dieu vivant n’a rien à craindre de la mort. Il ressuscitera dans l’autre monde. Les cloches, lorsqu’elles sonnent sont une présence de la mort dans notre quotidien. Elles nous rappellent notre finitude sur terre et la promesse d’une élévation.
A-t-on déjà entendu parler des chrétiens qui se plaignent du tintement de cloche de leur église ? Mais l’homme nouveau, ce post-chrétien, se plaint des cloches de nos églises en parlant d’elles comme d’une nuisance. Je parierais que sous prétexte de tolérance et de mixité, il se plaindrait beaucoup moins du muezzin qui dans son village anciennement chrétien appellerait du minaret les fidèles à la prière. Nos bonnes vieilles cloches sont une nuisance tandis que les minarets appartiennent à la culture de l’Autre qu’au nom de l’Ouverture, il nous faudra impérativement Respecter.
Il me semble pourtant qu’il y a assez des nuisances dont on devrait se plaindre : les incivilités, le désordre dans les villes, les fêtes qui débordent, la violence d’une certaine jeunesse, l’alcoolisme, les drogues, les bennes à ordures renversées, les graffiti qui salissent nos murs, la petite et grande criminalité, la publicité omniprésente qui est une nuisance permanente pour nos esprits et nos cerveaux, les programmes débiles des chaînes de télé, le commerce intégral, les produits alimentaires frelatés, les mensonges de nos médias, les films porno sur les portables de nos enfants, etc, etc.
Mais les nihilistes gauchisto-libéraux préfèrent s’en prendre à nos cloches.
Au reste, les cloches ne sont pas une nuisance.
Elles sont un signe du monde invisible au milieu du monde visible. Elles témoignent d’une présence surnaturelle. L’Eglise est la maison de Dieu parmi nous. Elle est l’Epouse du Christ. Cela est éternel. Cela restera vrai pour le Siècle des siècles. Dans La Sphère et la Croix, Chesterton écrit : « En appartenant à l’Eglise j’appartiens à quelque chose qui existe en dehors de nous tous, […]. Si nous mourions tous subitement, l’Eglise n’en existerait pas moins de toute façon en Dieu. »
Les cloches sont un appel, c’est le son du bien contre le mal ; c’est l’évocation du Christ, qui n’est pas de ce monde. Les cloches nous rappellent ce que Saint-Paul dit dans son Epître aux Romains : « Baptisés dans le Christ Jésus, c’est dans sa mort que tous nous avons été baptisés. Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle. » (6, 3-4.).
On enseigne à nos enfants qu’il n’y a pas de vérité parce que cela rassure l’homme moderne. Le mensonge le rassure et la vérité le terrifie. Pour l’homme ancien au contraire savoir que la vérité existe était rassurant. Il était terrifié par le mensonge qu’il combattait avec l’aide de Dieu parce qu’il ne voulait pas brûler en enfer.
Mais comment faire comprendre cela à l’homme nouveau ? Il ne sait plus ni vivre ni mourir ; il désire le néant et pense que l’enfer est un endroit désirable ; il déteste l’Eglise et c’est pourquoi ils s’en prend au tintement de cloche.
Le jour où la dernière cloche restera muette, l’homme futur, le robot de demain, aura gagné la guerre. La froideur de la machine aura terrassé la chaleur, la douceur et la sublime folie de l’âme humaine.