Tribunes
Que faire ?
Adieu, mon pays qu’on appelle encore la France. Adieu.
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L’année 2021 se terminera donc à la fin du mois sans que la situation des chrétientés orientales n’ait été particulièrement améliorée. Si les discours partisans sont prolifiques à l’égard de nos frères aînés dans la foi, les politiques publiques, au premier rang desquelles les politiques étrangères, n’ont que peu évolué à leur endroit. La charge est décidément trop lourde pour les héritiers de saint Louis et de Napoléon III.
Plus la charge est démesurée, plus les candidats aiment à exprimer leurs positions, leurs engagements, leurs audacieuses prises de conscience. Dans un pays divisé, au cœur d’une élection dont la moindre caractéristique n’est pas le morcellement de l’opinion, l’enjeu peut prendre la lumière. L’État affirmera à raison qu’il a apporté une généreuse contribution à certaines écoles chrétiennes et francophones libanaises. C’est une bonne chose. Les conseils régionaux affirmeront qu’ils ont sélectionné leurs interlocuteurs, trop souvent sur la base du politiquement correct, pour développer quelques projets. Ce n’est déjà pas si mal. Quelques municipalités ont pris des engagements forts auprès de localités orientales.
Bref, l’État n’est certes pas à la hauteur de son histoire mais il se distingue tout de même de quantité de voisins européens qui demeurent absolument abouliques devant les persécutions et les discriminations des chrétiens en Orient. Il est vrai que chez eux les chrétiens d’Orient ne sont pas un enjeu politique. Il y a pour sûr de l’affichage dans cette discussion. Ne pas piper mot sur l’absurde politique syrienne des quinquennats Sarkozy et Hollande et pleurer sur la déstabilisation économique du Liban qui accueille plus d’un million de réfugiés d’outre-Oronte est assez paradoxal. Il y aussi la culture française qui exsude, même dans les âmes les plus vilement intéressées. C’est déjà quelque chose.
Vous lirez les développements habituels. Pêle-mêle, la rengaine d’une certaine Université qui verra du colonialisme derrière toute évocation de la question d’Orient, des sites « d’information » systématiquement alignés sur les positions du Qatar ou de la Turquie échafauderont les thèses les plus loufoques pour assimiler les défenseurs des chrétiens d’Orient à des miliciens, une certaine Église voudra remiser la question, ou l’édulcorer au profit de témoignages lénifiants, et la liste n’est pas exhaustive. Le pays légal a su depuis longtemps trouver la parade médiatique aux débats qui l’encombre ou le dérange. Le pays réel y résiste cependant, qui ne manque pas de penser aux Terres Saintes en écoutant à nouveau le récit de la Nativité.
Car le Christ est né dans un lieu donné, à une époque donnée, dans une famille donnée, dans une tradition précise, en un lieu parfaitement connu et comme fruit d’une lignée qu’il importait de connaître. Cette incarnation et cette première évangélisation nous importent. Le Christ est le fruit d’une conception relativement patrimoniale de l’Incarnation mais c’est une autre question. Cette Incarnation sera fêtée au Pakistan, alors que pèse le joug de la loi sur le blasphème, dans la poche d’Idlib, à côté du djihadisme international, et jusqu’en Éthiopie, où le prix Nobel de la paix Abyi Ahmed a pris la tête d’un mouvement incroyablement répressif contre l’ethnie de ses prédécesseurs. Partout, la Nativité rappellera l’Infini de Dieu et le fini de cette terre bénie où notre foi a été révélée.
C’est ce qu’il conviendra de rappeler aux candidats à l’élection présidentielle, quand ils parleront dans les endroits mêmes où se dressent les églises qu’ils ont volées pour ne pas les entretenir, les écoles qu’ils ont formatées pour ne pas les soigner et les hôpitaux qu’ils ont magnifiés pour ne pas les panser. Comme tant d’autres sujets, les chrétiens d’Orient ont moins besoin de nuées que de décisions toutes pratiques. Et si vous demandiez à vos champions quelles seront les leurs ?