Au sortir de la guerre, le nouvel Ordre permit aux professeurs indépendants de s’affranchir de la technocratie musicale. Aujourd’hui, l’Ordre se démène pour assurer un enseignement de qualité dans la plus pure et noble tradition corporatiste.
Au sortir de la guerre, Claude Delvincourt, directeur du C.N.S.M. de Paris, créa l’Ordre des Musiciens dont l’acte de naissance fut publié au Journal Officiel le 15 juin 1945. Fort de son expérience à la tête du Conservatoire de Versailles dès 1931, puis du Conservatoire de Paris à partir de 1941, Delvincourt poursuivait sa profonde réforme des institutions de l’enseignement musical. Il avait constaté la situation très disparate dont souffrait l’enseignement en France : conservatoires et écoles officielles d’un côté, professeurs indépendants de l’autre. L’association qu’il mit sur pied avait pour mission de créer du lien entre les professeurs de musique privés afin d’homogénéiser les objectifs pédagogiques et de faire reconnaître leurs compétences.
Défendre et servir
De 1945 à 1970, l’enseignement musical en notre pays était principalement assuré par des professeurs privés ou par des écoles associatives issues d’orchestres d’harmonie. Seules les villes d’importance se voyaient pourvues de conservatoires et d’établissements structurés. Grâce au plan décennal instauré en 1970 par Marcel Landowski, alors Directeur de la Musique et héritier des idées de réforme émises par Delvincourt, de nombreuses villes de taille moyenne organisèrent ou améliorèrent l’enseignement musical en le plaçant sous contrôle des collectivités. Mais ces mesures pénalisèrent indirectement les professeurs indépendants. Peu à peu, à l’âge de la retraire, ils quittèrent leurs activités sans les transmettre aux jeunes générations plus attirées par l’apparente sécurité du fonctionnariat.
La voix des professionnels de la musique
Le confort et les privilèges des carrières du domaine public se révélèrent une chimère : coordonnant la politique de l’État relative au spectacle vivant, l’administration centrale de la Direction de la Musique (devenue Direction Générale de la Création Artistique) imposa des directives d’organisation et de réglementation de la profession. Les déçus du système n’eurent d’autre recours que de se tourner vers les syndicats dont les revendications ne permirent pas de défendre les réformes structurelles judicieuses préconisées par l’Ordre des Musiciens. Le pouvoir des technocrates, souvent déconnectés de la réalité du terrain, a fourni moult contraintes inspirées d’un modèle sociétal contestable et des réglementations non adaptées à l’exercice de la profession de musicien, contrairement à ce qui se pratique dans d’autres pays européens. Les orientations du ministère de la Culture ont en conséquence considérablement affaibli la qualité de l’enseignement musical. Bernard Dupaquier le déplorait : « La liberté de transmettre des compétences musicales acquises par des études rigoureuses est de plus en plus assujettie à des schémas technocratiques dont le dogme inavoué finira par dévaster l’excellence des enseignements artistiques, malgré le mécontentement majoritaire de nombreux musiciens. » C’est pourquoi l’Ordre des Musiciens permet aux enseignants indépendant de bénéficier d’une reconnaissance par l’attribution d’un label professionnel décerné sur présentation d’un dossier validé par le Conseil National.
Rendre la musique aux musiciens
Après une vie consacrée au service des musiciens à Dijon, le compositeur André Amellér tenta, en 1983, de fédérer plus largement. Le violoniste et chef d’orchestre Bernard Dupaquier, directeur du Conservatoire de Saint-Claude, prit la succession de son professeur et ce fut sous son long mandat en tant que président que l’ODM s’ouvrit aux nouvelles technologies – site internet et page Facebook –, se dota d’un Comité d’éthique réunissant des célébrités du monde de la musique et effectua des déplacements en province à la rencontre des professeurs et professionnels du milieu. Le 50e anniversaire donna lieu à un concert prestigieux salle Rossini à Paris avec Serge Lancen, Alexandre Tharaud, Le Trio Wanderer, Roger Boutry, etc.
L’avenir en partage
En 2025 l’association fête son quatre-vingtième anniversaire. La flamme toujours vivace est entretenue par son actuel président, le pianiste et pédagogue Jean-Bernard Hupmann, dans le respect des principes édictés dès la fondation de l’organisme. Celui-ci nous confie : « mes combats sont multiples : actions pour valoriser le chant choral à l’école, pour l’inclusion de personnes handicapées dans les conservatoires, pour le recrutement et la formation des professeurs, mise en place de concours, lutte contre la précarisation des enseignants, collaboration avec d’autres associations musicales. Récemment, j’ai initié une vaste réflexion sur l’Intelligence Artificielle qui menace de bouleverser profondément les métiers de la musique. »
Animé par l’esprit des corporations de l’Ancien régime, l’Ordre des Musiciens affirme plus que jamais sa volonté de rassembler les acteurs de la vie musicale, dont les témoignages et l’expérience peuvent contribuer à une meilleure organisation et à un plus grand respect des métiers artistiques, de réaliser l’union de tous les praticiens reconnus pour leur compétence, d’assurer la défense du patrimoine pédagogique et artistique et de promouvoir une réflexion permanente sur la pratique musicale et sur les modalités d’exercice de la profession.
www.ordredesmusiciens.com/
www.facebook.com/OrdreDesMusiciens
Discographie du pianiste Jean-Bernard Hupmann, président de l’Ordre des musiciens :
Beethoven, Sonates pour piano n° 5, 13 et 14 et Variations sur « La Molinara », DDD – 54’08 – Livret Français-Anglais-Allemand, Réf. 221110
Chopin, Polonaise n° 1 – Valses 3, 7 et 9 – Scherzos n° 1 et 2 – Sonate n° 2 « Marche Funèbre », DDD – 64’43 – Livret Français-Anglais-Allemand, Réf. 221122
Liszt/Beethoven, Symphonie n° 6 « Pastorale » & An die Ferne Geliebte Transcription pour piano de Franz LISZT, DDD – 60’22 – Livret Français-Anglais-Allemand, Réf. 221145