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L’effondrement de la natalité, menace existentielle, signe de mort intérieure

La natalité mondiale s’effondre, partout. En France, elle est accentuée par l’individualisme et elle nous condamne soit à la disparition, soit au remplacement. Quels espoirs pouvons-nous entretenir ?

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L’effondrement de la natalité, menace existentielle, signe de mort intérieure

La natalité a continué sa baisse, et dans une grande partie des pays du monde, elle est en dessous du seuil de renouvellement (2,1 enfants par femme), voire très en dessous, notamment dans tous les pays développés. Seuls sont nettement au-dessus les pays d’Afrique subsaharienne et quelques pays musulmans d’Asie du Sud. Mais chez eux aussi elle baisse. Cette situation parfaitement inédite dans l’histoire de l’humanité pose deux séries de questions : au niveau de l’humanité, et pour nos pays. Et conduit à s’interroger sur ce phénomène stupéfiant.

Le problème pour l’humanité

Le problème pour l’humanité est très simple : si les taux de natalité des pays avancés se maintiennent plus ou moins au niveau actuel, et si les autres pays descendent tous en dessous de 2, sur la longue durée l’humanité disparaîtra. C’est purement arithmétique. Cela n’empêcherait pas la population de nombreux pays de croître encore pendant un certain temps ; en outre, le processus, s’il se vérifiait, serait inévitablement long ; mais le résultat est clair et serait dans ce cas inéluctable. Et cela quelles que soient les migrations.

Il ne serait évité que dans deux cas : l’un, si les pays actuellement au-dessus de 2,1 y restaient. C’est possible théoriquement, mais ce n’est pas la tendance en cours, et aucun pays ne l’a fait jusqu’ici. Ou alors, parce que les mœurs changent et qu’on se remet à avoir une moyenne supérieure à 2,1 enfants par femme, au moins dans certains pays, et qu’on y reste. Rien ne l’indique.

Quoi qu’il en soit, il se déduit de tout cela une conclusion simple : le choix de vie actuel des pays développés n’est pas tenable sur la durée. Ce ne peut être que des mœurs provisoires pour une période.

La question est suffisamment grave pour qu’on s’en alarme, y compris dans des milieux progressistes, au moins dans le monde anglophone. Prenons par exemple After the Spike (Population Progress, and the Case for People), que viennent de publier deux économistes américains, qui se présentent pourtant entre autres comme partisans résolus de l’avortement libre. Ils démontrent de façon claire et chiffrée la tendance séculaire et ancienne de la natalité à baisser. De ce fait, la hausse massive de la population mondiale, depuis deux siècles, n’était pas due à une natalité qui serait en hausse, mais exclusivement à l’effondrement de la mortalité infantile. Ils montrent la généralisation de cette tendance lourde dans toutes les civilisations et cultures. Et ils montrent aussi que l’efficacité des politiques natalistes est toute relative (quelle que soit leur justification par ailleurs, en termes de solidarité). Ils montrent aussi que la présence d’une population nombreuse et, plus encore, en croissance ne se heurte à aucun obstacle réel de type malthusien ou écologique. Mieux, une population plus abondante signifie une interaction plus grande et par là une créativité supérieure, notamment en termes d’innovation. D’où un vigoureux plaidoyer en faveur d’un objectif au moins de stabilisation de la natalité moyenne autour de 2,1.

Le problème pour nos pays, la France en particulier

Mais la tendance est là. Quelle en est la signification pour nos pays ? Après s’être longtemps bercée de l’idée qu’elle était une exception, la France est désormais dans le même lot que les autres : sa natalité (avec une composante d’origine immigrée croissante) est passée franchement en dessous de 1,9. Ce qui veut dire que, réduite à elle-même, sa population diminuera sur la durée (c’est le cas déjà d’autres) ; son seul élément de stabilité ou de croissance est l’immigration.

Parallèlement la natalité des pays d’Afrique, bien qu’en baisse régulière, reste très élevée. L’inertie démographique aidant, la population africaine va donc croître considérablement d’ici la fin du siècle, tandis que celle de l’Europe (hors cet apport) va se réduire de plus en plus. La conclusion est là aussi claire : sauf retournement significatif de tendance, c’est ce que d’aucuns appellent un grand remplacement. Nul besoin de complotisme, et aucun racisme là-dedans : c’est factuel.

Et donc et pour les quelques générations qui viennent, l’enjeu pour nos pays est considérable et immédiat : c’est soit la mort lente, soit plus probablement le remplacement (et peut-être la mort ensuite).

Que faire ?

Quiconque est attaché à son pays, sa culture et son apport spécifique à l’humanité ne peut qu’être bouleversé par ces perspectives. Et plus largement, pour le premier scénario, quiconque pense qu’il est bon que l’humanité existe.

La plupart des personnes attachées à la famille et aux pays pensent alors aux prestations familiales. De fait, le coût d’un ou plusieurs enfants est appréciable. Et il n’est que justifié, en pure perspective de justice et de solidarité, qu’un effort important soit fait pour aider ces familles. Mais malheureusement, l’expérience montre que cela ne suffit pas : il n’y a pas de corrélation forte entre natalité et allocations familiales ou effort additionnel. On pourrait penser alors à des mesures plus brutales ; l’une, logique, serait de réserver pour l’avenir le bénéfice des retraites par répartition aux familles ayant eu des enfants, en proportion du nombre de ceux-ci – puisque ce sont les enfants devenus adultes qui payent ces retraites à leurs aînés. Mais les chances de voir une telle mesure adoptée sont, reconnaissons-le, très faibles. En outre, la violence n’est sans doute pas appropriée comme moyen de convaincre les gens de faire des enfants. Par ailleurs, rappeler les éléments rationnels exposés ci-dessus serait certainement utile, mais cela ne paraît pas non plus pouvoir déboucher sur une inflexion.

C’est que les raisons de cet effondrement de la natalité sont profondes et plus encore que culturelles, anthropologiques. Signalons ici le remarquable opuscule que vient de publier Olivier Rey : Défécondité, ses raisons, sa déraison. Il montre le lien étroit entre l’évolution des mœurs et la dénatalité : la prédominance d’un mode de vie basé sur un supposé accomplissement de soi individualiste, où les enfants sont une gêne ; le repli sur la famille nucléaire, alors même que les parents sont absents du foyer la plupart du temps et qu’une partie de la charge éducative est reprise par l’école ; l’éducation permissive qui rend ces mêmes enfants souvent insupportables ; la disparition du sens de la transmission entre générations, dans une société qui exige le changement permanent, etc. S’y ajoute l’ombre de plus en plus lourde des angoisses environnementales. Pour la première fois dans l’histoire, l’idée qu’il est bon que l’humanité se perpétue est même remise en cause.

Dit autrement, avoir des enfants et les élever a toujours représenté un coût, financier, mais peut-être plus encore, d’opportunité et de souci. En valeur relative, ce coût alternatif est considéré plus élevé aujourd’hui ; et les avantages anciens de la famille sont maintenant fournis par l’extérieur. Mais l’essentiel n’est pas là : on ne comprend plus l’importance vitale pour l’accomplissement d’une vie d’homme de faire et d’éduquer des enfants ; on est incapable de se hausser au-delà de la perspective matérielle, dans ce qu’il faut bien appeler une forme d’implosion spirituelle.

Ce sont ces tendances lourdes qu’il faudrait renverser. J’ai abordé cette question à plusieurs reprises ici même. Le point central est un renversement de perspective, qui doit conduire à admettre collectivement que chacun a deux tâches dans la vie : l’une, de fonder une vraie famille avec enfants ; l’autre, de travailler pour la société. Autrefois le second était même subordonné au premier. Or le moment qui est le plus favorable pour une famille est entre 20 et 35 ans. Il faut donc briser le schéma actuel pour lequel c’est le moment où on est censé se dévouer exclusivement à sa carrière. Car au fond une humanité qui ne met pas au premier rang de ses priorités les générations futures est morte dans son cœur.

 

Illustration : Le Sud manifeste à Paris.

 


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