Civilisation
De sang et d’or
Dès les premières pages de Minotaures, le décor est planté.
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Lettres à Juan Bautista (vingt ans après) est un nouvel opus de l’autofiction sans fin que constitue, aux marges de la prose et de la poésie, le travail d’écrivain d’Yves Charnet. Ce qu’il nomme son « chantier lyrique ».
On peut lire, bien évidemment, ce nouvel ouvrage sans avoir lu ses précédents récits. Mais il s’agit de la réécriture d’un ouvrage déjà paru, totalement refondu : un livre qui se veut comme une correspondance hors norme entretenue avec Jean-Baptiste Jalabert dit « Juan Bautista », un célèbre matador français.
Dans ce livre, que des novices en tauromachie pourront lire sans souci, Charnet raconte Juan Batista et se raconte en retour. Une amitié quasi impossible, difficile autant que rare : la distance qui sépare la poésie (en prose) de l’art de la tauromachie. Le point de départ de l’ouvrage est, précisément, le projet d’un livre à venir sur le matador. Cependant, le livre qui se fait et que nous lisons ne peut pas être ce livre projeté – un livre impossible, irréalisable. Le narrateur jette rapidement l’éponge pour envoyer, finalement, des simili-lettres au matador qu’il admire. Ce dernier a d’ailleurs parfois du mal à comprendre que la littérature puisse s’intéresser à son cas. Se forme alors une étrange relation (peut-on parler d’amitié ?) entre un narrateur qui découvre sur le tard la tauromachie jusqu’à en devenir un admirateur, et un matador que sa carrière préoccupe. Le livre raconte cette amitié-là, et aussi – surtout – l’impossibilité d’en faire un livre comme on peut tant en lire sur la tauromachie. Ce qui forme alors des carnets impudiques dans une langue unique, un style qui rappelle, par ses phrases courtes, les meilleures années de l’œuvre de Marguerite Duras, mais qui est propre à Yves Charnet. On se laisse facilement emporter par ce chant, ces phrases, ce récit, ces apostrophes à Juan Bautista, dont la carrière contée se mêle au quotidien d’un écrivain sans boussole dans cet univers qu’il découvre en même temps que son lecteur. Un hommage à un grand matador, mais également un récit passionnant sur l’art d’écrire et ses difficultés.