Editoriaux
Cierges et ministres
Il y a une semaine à peine, une grave question agitait le monde politique : qui allaient être les ministres délégués aux Personnes en situation de handicap et aux Anciens combattants ?
Article consultable sur https://politiquemagazine.fr
La Terreur et sa liberté liberticide voient enfin se réaliser la société tyrannique à laquelle aspiraient les révolutionnaires. Leurs avatars actuels construisent une société libérale aux valeurs étrangères à notre civilisation, en conditionnant en permanence les esprits selon leur nouvelle morale.
Depuis le long règne républicain de François Mitterrand (1981-1995) et de l’État-PS, la France vit sous le régime d’un terrorisme intellectuel et moral sans précédent, d’orientation libérale, individualiste et universaliste, régi par le dogme du politiquement correct et assuré par une véritable police de la pensée, prompte à persécuter et exclure les réfractaires. Cette situation est d’ailleurs commune à tous les pays d’Europe occidentale et d’Amérique du nord. Nous vivons sous la férule d’un credo politique et moral ne souffrant aucune contestation, et auquel la droite s’est ralliée graduellement depuis les deux dernières décennies du siècle précédent.
La gauche a remisé le marxisme au grenier. Les références éthiques qui régissaient naguère la société se sont estompées, et le libéralisme individualiste et le relativisme moral tiennent lieu de code social et politique et de règle de conduite. Ce qui ne signifie d’ailleurs aucunement que nous vivions sous le régime de la tolérance. Au contraire. L’aseptisation de la vie politique est allée de pair avec l’homogénéisation idéologique et éthique de la société. Les totalitarismes du siècle passé détruisaient les libertés. Celui qui sévit de nos jours est plus subtil. Il conserve la liberté individuelle, l’érige même en principe, et lui donne la consistance d’un dogme et un caractère sacré qui fait d’elle le palladium et le critère de jugement et de discrimination de la morale actuelle. Par là, cette liberté s’aliène en tant que liberté, et se tourne en son contraire. Devenue idole, la liberté devient immolatrice et se renie. L’idolâtrie, cette perversion du sacré, cette substitution d’une fausse divinité à la vraie, se présente ici comme l’érection de la liberté en un principe unique et indivisible qui constitue le propre (sub specie aeternitatis), la nature même du genre humain, fonde la morale, fait son chemin dans l’histoire contre ses ennemis, assimilés à des hérétiques et devant se voir traités comme tels, et s’impose donc comme la valeur fondatrice de toute civilisation et la clef de voûte de la société, de son éthique et de sa législation. Cette liberté mortifère, qui commence avec le « pas de liberté pour les ennemis de la liberté » de la Terreur en 1793-1794, générateur d’une montagne de têtes coupées, aboutit à l’actuelle dictature des lobbies LGBTQIA+ , immigrationnistes, mondialistes, eurofédéralistes, anticatholiques, antinationaux, sionnistes, polyethnicistes, multiculturalistes, ultraféministes, décroissantistes, animalistes, antispécistes, vegans , ceux favorables à la PMA, à la GPA, à l’inscription du droit à l’avortement (sans restriction aucune) dans la constitution, et autres. Simples associations et non institutions, ces groupes divers n’exercent pas moins un pouvoir tyrannique sur notre vie publique et soumettent la classe politique, l’État, le gouvernement, le Parlement, les administrations, la justice, et, finalement, la société entière, à leur dictature idéologique et politique, et vont jusqu’à décider de la carrière des élus.
Ah ! Comme les Français d’avant 1981 se sont trompés dans leurs prévisions relatives aux conséquences de l’arrivée de la gauche au pouvoir ! Beaucoup imaginaient la France devenant un avatar de république populaire, dominée par les socialistes mitterrandiens, les chevènementistes, le parti communiste, et conditionnée par une École, une télévision d’État, et des journaux et autres médias proches du pouvoir, et où l’opposition, quoique libre, aurait perdu toute influence réelle. Prisonniers du schéma marxiste de la conquête du pouvoir par les communistes en Russie, en Europe orientale et en Chine, ils se trompaient sur la nature de l’entreprise subversive alors en gestation dans notre pays. Celle-ci ne consistait pas à perfectionner, à coups de réformes économiques et sociales, la république bourgeoise radicale, de manière à la rendre rigoureusement égalitaire et socialiste, dans une perspective jaurésienne, et à engendrer un nouvel ordre politique qui se fût présenté comme l’aboutissement naturel de l’histoire de France conçue comme une longue évolution vers une société démocratique, humaniste et solidaire, mais à créer de toutes pièces une nouvelle civilisation aux valeurs totalement étrangères à celles qui fondaient alors notre société.
L’entreprise fut rondement menée. Après une période classiquement socialiste marquée par les nationalisations de 1981-1982 et un dirigisme façon Front populaire, les socialistes se rallièrent de grand cœur au libéralisme mondialiste, beaucoup plus en phase avec leur projet réel. Ce dernier ne pouvait tenir dans la défroque corsetée du marxisme ou du socialisme. Au contraire, le libéralisme semblait le vecteur idéal de la révolution totale, essentiellement morale et culturelle, qu’ils se proposaient d’accomplir, et qui se présentait comme l’édification d’une société universelle démolibérale et hédoniste fondée sur le désir et ordonnée à une économie productiviste mue par la seule recherche du profit et faisant des citoyens des consommateurs.
Aujourd’hui, nous goûtons les fruits amers de ce choix : évidement de la société de ses dimensions spirituelle et morale, aliénation des personnes et des groupes, conception consumériste de la culture, des loisirs et de la vie elle-même, relativisme moral tenant lieu d’une vision perverse de la tolérance comme fondement d’une éthique étayée sur une interprétation abâtardie des droits de l’homme. Sans parler des impasses et crises économiques auxquelles nous sommes confrontés, des problèmes environnementaux et climatiques, et des pandémies, tous phénomènes générés par notre modèle civilisationnel libéral.
Les délices et poisons de la société de consommation des années 1960 et 1970 nous ont menés à des situations dramatiques irréversibles, sinon insolubles, et nous ont privés des ressources morales qui nous permettraient de les affronter victorieusement. Corollairement, ils ont donné naissance au plus formidable totalitarisme intellectuel et éthique. Le plus logiquement, le plus naturellement du monde, l’ultra-capitalisme planétaire a fait siennes toutes les revendications, tous les principes, toutes les idées, tout le credo né de tous les courants intellectuels subversifs, de toutes les révolutions, tant politiques que sociétales, et de toute la contre-culture de la seconde moitié du XXe siècle ; si bien que nos sociétés ouest-européennes et nord-américaines, matériellement fondées sur une économie de marché sans freins, sont moralement gouvernées par les valeurs cardinales de la gauche sous toutes les latitudes ; loi des désirs, loi du nombre, massification de la société et de la culture, avec, comme clef de voûte, la sacralisation des droits de l’homme, indéfiniment étendus, en particulier au droit illimité à l’avortement, à l’insémination, au mariage homosexuel et à toutes les extravagances LGBT. C’est une véritable révolution morale et culturelle qui a balayé l’Occident durant la seconde moitié du siècle précédent, annihilant complètement les idées et les groupes qui auraient pu s’opposer à elle.
Naguère gardienne des valeurs et principes fondateurs de notre civilisation, la droite s’est convertie au credo libéral, individualiste et droit-de-l’hommiste de la gauche. La droite « républicaine » est la plus belle conquête de la gauche. Ayant répudié toutes ses valeurs propres (celles de notre civilisation) , elle se réclame de celles de ses adversaires, désormais considérées comme les tables de la loi de nos sociétés occidentales.
Une vulgate universaliste, mercantile, dont les prétentions égalitaires en matière de sexe, d’ethnie et de race s’accommodent des pires inégalités économiques
et sociales
De bons esprits objecteront que, de son côté, la gauche a renoncé à l’édification d’une société socialiste économiquement étatique et égalitaire, et aux utopies libertaires, anarchistes et autogestionnaires, et s’accommode du capitalisme qu’elle entendait autrefois abolir. Mais, ce faisant, elle s’est simplement débarrassée d’oripeaux idéologiques usés, devenus inadaptés à la maîtrise de la réalité contemporaine, et inappropriés à la révolution politique et sociale universelle, fondée en tout premier lieu sur la transformation totale des esprits, des âmes et des cœurs par un conditionnement médiatique permanent, une contre-éducation scolaire de type pédagogiste et la promotion permanente d’un prêt-à-penser idéologique et moralisateur destiné à extirper de nos semblables toute connaissance exacte de l’histoire et tout respect du passé et de la tradition, et à instiller la croyance en une évolution marquée par le progrès continu et le triomphe final de l’individualisme le plus débridé, prétendument imposé par on ne sait quelle loi de l’histoire. Une loi qui, de manière aussi inattendue que logique, borne la liberté individuelle, pourtant posée au départ comme absolue, et lui impose une orientation obligatoire, au point de traiter toute option morale, intellectuelle ou politique s’en écartant comme une hérésie, une ignominie à combattre sans concession, en elle-même et dans la personne de celui qui la manifeste. Une loi qui enserre, interprète, codifie et résume en articles de foi et en dogmes l’inspiration individualiste, libertaire et anarchique dont elle procède et se présente comme le fondement du terrorisme moral, intellectuel et politique que nous connaissons, pièce maîtresse du totalitarisme que nous subissons depuis des décennies. Une loi qui consacre quasi officiellement, rend évidente, voire proclame, la perversion complète de la morale fondatrice de notre civilisation occidentale et, plus que jamais autrefois, aliène et asservit l’homme qu’elle prétend émanciper et dont elle proclame pourtant l’absolue liberté.
La conséquence est que le dogme de la liberté se décline en prescriptions obligatoires intangibles. Une véritable dictature de la liberté est alors créée. Ainsi conçue, la liberté n’est pas un attribut inné de l’homme lui permettant de créer ou de choisir ses propres valeurs, mais une loi, elle aussi, comme telle prescriptive et contraignante, définissant des obligations et des interdits, donc des transgressions passibles de répression. L’inclination individuelle à une conduite de transgression est alors interprétée comme une perversion – et, partant, une négation – de la liberté, appelant une interdiction et un châtiment. Dès lors, la liberté devient une entité distincte de l’homme, dont le contenu lui est imposé et dont il ne dispose pas à son gré : tout comme le citoyen du Contrat social de Rousseau subit la loi de la volonté générale, entité souveraine et inaccessible qui ne s’identifie ni à la majorité ni à l’unanimité des suffrages. Assurément, nous sommes loin de la morale sans obligation ni sanction théorisée par Jean-Marie Guyau à la fin du XIXe siècle. La morale politique actuellement en cours est on ne peut plus obligatoire et répressive. Ainsi conçu, le règne de la liberté s’inscrit dans la droite continuité de tous les régimes oppressifs dont il a censément délivré les hommes, à en croire ses modernes thuriféraires. Ces derniers, en réalité, font de la liberté le principe fondateur d’un ordre politique et moral totalitaire enté sur une orthodoxie qui distingue ceux qui se conforment à elle de ceux qui s’en écartent et méritent pour cela stigmatisation, punition et exclusion. Et, ainsi, de nos jours, sous le régime de la démocratie libérale et de l’État de droit, on destitue, licencie, condamne en justice, emprisonne, censure, interdit de publication ou d’accès aux médias, des gens qui mettent en question l’ordre moral régi par le politiquement correct et la bien-pensance de la vulgate éthique amalgamant le rejet des traditions, l’universalisme, le multiculturalisme, l’individualisme et les droits de l’homme indéfiniment étendus.
Répétons-le ici : cela ne s’est pas fait en un jour. La révolution a connu bien des avatars avant de découvrir sa finalité véritable. Et il ne pouvait en aller autrement. Elle ne s’est accordée au principe de réalité qu’au terme de maintes mues idéologiques et politiques successives (radicalisme, socialisme, marxisme, utopismes divers, anarchisme, écologisme). Ses partisans et acteurs successifs se sont longtemps trompés sur sa nature et sa finalité réelles. La mort des idéologies politiques, des idéaux et utopies et des philosophies de l’histoire des XIXe et XXe siècles a permis à la révolution d’apparaître enfin pour ce qu’elle est in essentia, c’est-à-dire la transformation de l’âme même des peuples qu’elle affecte, conduisant ceux-ci à la subversion de leurs valeurs fondamentales et à une réinterprétation de leur eschatologie, du sens de leur destinée et de leur vision de l’homme et de l’évolution, sans que les rapports de force entre les catégories sociales et entre les individus et les inégalités de situations soient abolis, et donc sans que disparaisse ou soit aplanie ou inversée la hiérarchie sociale en ce qu’elle a de plus général et de plus inévitablement permanent. La lutte des classes, le projet d’établissement d’une société rigoureusement égalitaire grâce à la suppression du capitalisme, tout cela échouait toujours et partout, n’aboutissait qu’à la dictature d’un parti générateur d’une nomenklatura oppressive, et ne changeait en rien l’âme des peuples, comme l’a montré l’exemple de la Russie, des anciens pays communistes est-européens ou de la Chine. Augustin Cochin a livré le secret ultime de la révolution en comparant son action à celle des termites qui dévorent et réduisent à néant les organes internes des êtres tout en respectant infiniment les surfaces et les formes, au point de donner l’impression fallacieuse de la conservation de l’être affecté. Et, ainsi, de même que l’on devient alcoolique sans s’en douter, on adhère aux contre-valeurs subversives le plus inconsciemment du monde, et on souscrit au credo du politiquement correct et à la répression de tout ce qui s’en écarte.
Alors, on admet comme naturelles, comme justes, les pires injustices, les exclusions ou les condamnations judiciaires, au mépris du Droit, des réfractaires à l’ordre moral généré par le conformisme éthique et intellectuel du politiquement correct et de la bien-pensance véhiculés par les médias, l’intelligentsia et toute la classe politique, la droite étant ralliée aux valeurs de ses adversaires. On trouve normal qu’un journal soit lourdement condamné ou soit privé d’avantages fiscaux consentis aux autres en raison de son contenu d’idées, qu’un enseignant fasse l’objet d’une mesure de révocation, pour des motifs analogues, qu’un homme politique voie sa carrière brisée à la suite d’une accusation de viol aussi infondée et calomnieuse qu’invraisemblable, que
toute réticence, même timide, à l’égard des mariages homosexuels, entraîne une sanction professionnelle ou soit passible du tribunal, que soit interdite la contestation du polyethnicisme et du multiculturalisme, l’affirmation des fondements judéo-chrétiens de notre civilisation, qu’on ne puisse critiquer fermement les aspects criminels de la politique étrangère de l’État d’Israël, qu’un candidat à la présidence de la République voie ses meetings interdits ou perturbés parce qu’il ose défendre sans ambiguïté l’identité française ; et on pourrait multiplier les exemples.
Une véritable police de la pensée, de la parole et de la plume a été instaurée au fil des décennies, nous emprisonnant dans le moule implacable d’une vulgate pseudo-humaniste, universaliste, mercantile, dont les prétentions égalitaires en matière de sexe, d’ethnie et de race, s’accommodent des pires inégalités économiques et sociales, et qui, en définitive, aliène et asservit ceux et celles qu’elle prétend émanciper.
Dans tout l’Occident, la révolution de longue durée et de très grande ampleur commencée dans la seconde moitié du XVIIIe siècle (en France avec la Révolution de 1789-1794) semble à son stade d’achèvement, avec sa conciliation de ses idéaux droits-de-l’hommistes, universalistes et libéraux et du monde matérialiste qu’elle a enfanté, et avec le totalitarisme mental et culturel sans précédent qui la manifeste.
Illustration : L’androcène, concept tout frais dont s’est emparé Sandrine, c’est le stade actuel de notre civilisation, où seuls les hommes sont responsables depuis la préhistoire de TOUT ce qui va mal. Une analyse simple et élégante des crises que nous vivons, qui permet de remettre en cause la conquête spatiale et le barbecue.