L’encyclique pontificale, Laudato si’, fait de la préservation de notre planète un impératif. Contre la finance irresponsable qui gouverne le monde quel qu’en soit le coût à supporter pour l’homme et l’environnement, elle invite à des réformes radicales de nos modes de production et de consommation. C’est ce que François appelle la « conversion écologique » et qui lui vaut d’être chaudement félicité par le monde politico-médiatique. Mais elle fait aussi – elle fait surtout – la part belle à ce qu’il est convenu d’appeler « l’écologie intégrale » ou « l’écologie humaine ».
« L’écologie humaine, expliquait l’évêque de Fréjus-Toulon, Mgr Dominique Rey dans le journal La Croix, désigne, d’une part, les interactions de l’homme avec son environnement naturel et social et, d’autre part, une approche de la personne vue comme un écosystème à protéger ». Projet global de société, elle développe une vision « intégrale » de l’homme. Vision intégrale ? Autrement dit, une anthropologie où la préservation de la nature est nécessairement liée à la sauvegarde des « conditions morales » sans lesquelles l’homme lui-même court à sa destruction.
On comprend alors l’urgence d’une « conversion écologique ».
Car nos contemporains, nous dit le pape, se sont laissés asservir par la technologie dont les ressources sans fins rendent possible la destruction de la nature, une nature que l’humanité est censée transmettre intacte aux générations futures. Par individualisme exacerbé, ils se sont laissés dévoyer par un consumérisme débridé. Cet individualisme, étroitement lié à l’idée prométhéenne d’un « progrès » infini, les a coupés des réalités concrètes de la création. Dans sa volonté de tout maîtriser, notre folle modernité prétend même dépasser les limites imposées par la finitude humaine !
L’apport le plus original de cette encyclique, la première publiée par ce pape inclassable, se situe dans cette mise en perspective éclairante : la crise écologique, explique-t-il en substance, est l’expression la plus visible d’une profonde crise éthique et spirituelle. Au fond, elle est une crise de civilisation.
On le lira dans le vaste dossier de ce numéro d’été de Politique magazine : dénonçant une crise de civilisation, dont il donne à voir les causes, le pape ne fait que décrire une réalité brutale. Après les attentats en Isère, Manuel Valls, lui-même, a évoqué une « guerre de civilisation ». Mais de quelle civilisation parle le Premier ministre ? Celle qui autorise les femmes à louer leurs ventres comme les ouvriers louent leurs bras ? Celle qui produit des enfants aux filiations impossibles ? Au nihilisme on n’oppose pas le nihilisme, semble lui répondre François.
La France accueillera la prochaine conférence sur le climat, fin 2015. Chacun a conscience qu’il nous faut désormais préserver nos écosystèmes mis à mal par des dizaine d’années de productivisme incontrôlé. Puissions-nous tirer du constat de ce saccage environnemental, les conclusions éthiques, et donc politiques, qui s’imposent.