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Le journal Tintin, histoire d’une renaissance

Il y a 77 ans paraissait le journal Tintin. Défunt en 1988, il reparaît sous la forme d’un numéro unique et exceptionnel de 400 pages où toutes les vieilles gloires du magazine sont célébrées avec tendresse et humour.

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Le journal Tintin, histoire d’une renaissance

Le défunt journal Tintin, on le sait, était destiné aux « jeunes de 7 à 77 ans ». Paru pour la première fois en 1946, on célèbre aujourd’hui précisément ses 77 ans. Pour l’occasion, les éditions du Lombard, créées également en 1946 par Raymond Leblanc, ont décidé de ressusciter le journal Tintin pour un unique numéro – mais quel numéro ! Un magazine de près de 400 pages, comprenant, outre des dossiers sur l’histoire du journal et de son éditeur, 65 reprises ou hommages par le gratin de la profession des auteurs de bandes dessinées. Ceux-ci reprennent, le temps de quelques pages, les glorieuses séries de leurs aînés, pionniers du journal ou poids lourds de l’époque plus récente où Tintin s’adressait encore aux jeunes (le journal a cessé de paraître en 1988). Quelques exemples : Jean Van Hamme écrit une nouvelle aventure de Blake et Mortimer en Écosse, illustrée par Teun Berserik (qui avait déjà illustré trois aventures de cette série historique), Franck Biancarelli reprend Jugurtha, Robin Recht donne sa version des aventures d’Alix, bien loin de ce qu’avait imaginé Jacques Martin, ou encore un nouveau Clifton bien éloigné de Macherot et imaginé par Foerster… On retiendra aussi le Piège diabolique revisité par Simon Van Liemt et Yann (Le Traquenard infernal) et une courte histoire dessinée par l’actuel coauteur de Ric Hochet, qui laissera le lecteur sans voix. Probablement l’un des plus beaux tributs à l’œuvre d’un des pionniers du journal.

Chaque courte reprise ou bref hommage est l’occasion d’imaginer ce qu’aurait pu devenir le journal Tintin s’il avait continué de paraître. C’est à la fois un voyage dans le temps et une occasion de découvrir les nouveaux auteurs de bandes dessinées qui ont émergé depuis que le journal a cessé, hélas, de paraître. Et on se prend à rêver : ces historiettes seront-elles l’occasion de reprises en album ? L’Île du loup, la courte histoire de Blake et Mortimer par Van Hamme et Berserik, aura-t-elle une suite ? Dan Cooper connaîtra-t-il de nouvelles aventures sous la plume et le pinceau d’Alain Queireix et Emmanuel Herzet ? Nombreux seront les lecteurs que ces courtes reprises feront rêver, et qui espéreront que ce glorieux anniversaire soit le point de départ de futures aventures éditoriales comme le Lombard nous a habitués à en réaliser.

Deux autres monuments

Mais cette publication ne sera pas le seul événement éditorial pour fêter l’âge symbolique de 77 ans du journal Tintin et des éditions du Lombard. En 2016, les deux éditeurs (Moulinsart et le Lombard) avaient déjà créé l’événement pour les 70 ans de l’hebdomadaire, en publiant un lourd volume de 777 pages intitulé La grande aventure du Journal Tintin – 1946-1988. Un livre qui connut un très beau succès. Un volume deux, de même pagination, paraîtra également le 8 septembre prochain. Sous-titré Escale en France, ce lourd opus fera la part belle à la version française de l’hebdomadaire Tintin, qui était différente de son édition belge. Des séries spécifiques, par exemple, y étaient publiées. L’amateur et le collectionneur se rueront donc sur cette autre publication qui mérite qu’on s’y attarde, qu’on flâne entre ses pages et qu’on rêve à cette époque, hélas disparue, où les jeunes Français de 7 à 77 ans pouvaient, eux aussi, avoir accès aux belles bandes du Lombard et des éditeurs amis de cette maison vénérable.

Autre publication, pour les amateurs les plus chevronnés, cette fois : l’édition d’un leporello de 108 pages et 52 panneaux, La plus grande image du monde, par Turk et de Groot (créateurs de Léonard et de Robin Dubois). Ce tour de force date de 1973. Amusante réponse moderne à la Tapisserie de Bayeux, cette gigantesque fresque urbaine est constituée de 52 panneaux ou saynètes, parus en pleine page dans le journal Tintin a raison d’une planche par semaine. Pour la première fois, les images ont été réunies et donnent ce leporello qui, une fois déplié, mesurera 15 mètres. Mais le tirage de cette rareté sera limité : 2 600 exemplaires seulement. Il paraîtra également le 8 septembre. Une date décidément à marquer dans les agendas, pour ne pas rater ces trois publications qui marquent le début des festivités grandioses autour de l’anniversaire du Lombard et de Tintin.

Un an de Lombard

Car ce n’est pas tout. Le patrimoine du Neuvième Art constitué durant des décennies par cet éditeur devait être mis en avant. L’idée d’une exposition a rapidement fait son chemin, mais il fallait quelque chose de grandiose pour fêter l’âge vénérable atteint par le Lombard. C’est ainsi que, du 9 septembre 2023 au 25 août 2024, le Centre Belge de la Bande Dessinée (à Bruxelles) devient littéralement la « maison Lombard » dans le cadre d’une exposition, « Le Lombard, une affaire de famille », conçue par Thierry Bellefroid (journaliste, romancier, biographe, scénariste…) et réalisée par Ezilda Tribot, Elodie Descoubes et Eve Sarfati. L’exposition, préparée depuis janvier 2022, occupera un étage entier du musée pendant une année complète.

Le vaste catalogue du Lombard est mis à l’honneur dans un gigantesque showroom façon « magasin Ikea ». Les différentes pièces de ce qui deviendra une « maison d’exposition » représenteront la dimension familiale de l’éditeur. « On passera de pièce en pièce pour découvrir l’histoire et les personnages du Lombard », explique Thierry Bellefroid. La scénographie sera interactive, pour permettre au vaste public attendu de mieux s’immerger dans l’histoire de l’éditeur. Chaque pièce rendra hommage à une dimension de l’histoire du Lombard, en mêlant personnages, histoire et regard réflexif. Par exemple, une pièce reconstituant une cuisine sera l’occasion de rendre hommage à Miss Partridge, la célèbre cuisinière du colonel Clifton, mais également d’interroger la place de la femme dans des pages parfois anciennes. Le salon « à remonter le temps » fera la part belle à la bande dessinée historique, en mettant à l’honneur le travail considérable des époux Funcken (auteurs notamment du Chevalier blanc), de Boucq (Un général, des généraux) ou encore celui, protéiforme, de Warnauts et Raives, passés maîtres du récit dessiné historique. Le dessin envahira les murs, mais pas seulement. Comme l’exposition se présente sous la forme d’une maison témoin (si l’on peut dire), le public devra chercher lui-même les trésors exposés. « On est dans un showroom Ikea et pas dans un lieu d’expo ! » rappelle Thierry Bellefroid. Les planches seront cachées dans les meubles. Il faudra que le public manipule les différents meubles des pièces pour découvrir les trésors du Lombard. Bien entendu, les meubles, spécialement conçus, ne seront que des « écrins » pour mettre en valeur le patrimoine de l’éditeur.

Un mot sur les originaux présentés dans cette formidable exposition : ce sont de véritables pièces de musée qui ne peuvent rester exposées que quatre mois en vertu du protocole de conservation. De ce fait, il faudra visiter trois fois l’exposition pour contempler l’intégralité de son fonds. Un fonds constitué par celui du Centre Belge de la Bande Dessinée, bien sûr, mais aussi ceux des auteurs eux-mêmes. Jean Van Hamme, par exemple, a prêté des œuvres de sa gigantesque collection privée.

On le voit, l’éditeur a voulu créer un formidable événement pour ses 77 ans. Gageons que le public et les lecteurs auront l’occasion de le fêter avec lui, tout au long de cette année faste.

 

Journal Tintin – spécial 77 ans. Éditions Moulinsart / Le Lombard, 2023, 400 p., 29,90 €.

Illustration : Séraphin et Jérôme

 


Curiosité : le livre est co-édité par les éditions du Lombard et les éditions Moulinsart, gardiennes du temple de l’œuvre d’Hergé et qui défendent l’image de Tintin. Pas de reprise de Tintin, dans l’imposante revue à paraître le 8 septembre, mais un bel hommage de François Boucq à Hergé, en invoquant la figure hautement humoristique de Séraphin Lampion, en compagnie de son confrère Jérôme Moucherot, assureur comme lui. Une lumineuse idée qui ne laisse pas l’œuvre d’Hergé, fondatrice du journal historique, sans hommage.

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