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Le fulgurant d’Ambrières

René d’Ambrières est un cas singulier parmi les historiens. Autodidacte, il aura attendu 70 ans passés avant d’écrire son maître-livre.

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Le fulgurant d’Ambrières

Et ne nous y trompons pas : il n’est pas de ces généalogistes à la petite semaine qui meublent une retraite paisible en écumant les archives départementales. Son Limoëlan est le fruit d’une subtile enquête lancée sur les traces de son héros, qui, au départ d’un château familial en Bretagne, a conduit l’auteur jusqu’à Baltimore dans le Maryland. Freiné par une facétieuse épidémie mais de caractère opiniâtre, d’Ambrières ira jusqu’au bout de son projet.

La vie de Joseph de Limoëlan, aristocrate et antirévolutionnaire, est des plus remuantes. Elle traverse la Révolution comme une météorite, et ce n’est pas le moindre mérite de l’auteur d’avoir su la décrire sous toutes ses facettes. Le héros, tel Fantômas, change de nom au gré des fonctions qu’il exerce : chevalier de Limoëlan quand il émigre, on le nomme Pourleroy dans la chouannerie. Il devient Beaumont1 à Paris pour tromper Fouché, embarque vers l’Amérique sous le nom de Rénier, avant de reprendre le patronyme de Picot de Clorivière.

Le Premier Consul échappe à la mort

Pendant l’Émigration, Joseph apprend que son père Michel de Limoëlan est mort sur l’échafaud. Joseph écrit à sa sœur : « Tu as bien raison de citer mon père, jamais je ne pourrai valoir autant que lui. » Ce ne sera pas le seul moteur de son ressentiment. S’il est vrai que Limoëlan ne brillera pas dans la Compagnie Angoulême infanterie, il fera preuve de courage à la tête de la division Fougères, lors de la troisième chouannerie qui se déroule pendant le Directoire. Assurant les arrières de Bourmont, il contribue à reprendre Pontorson et même le Mans aux Républicains, avant de siéger à la table des négociations face au général de Hédouville. Le général promet qu’en échange de la paix le nom de Limoëlan sera retiré de la liste des insurgés. Promesse non tenue que le héros ne pardonnera pas au Premier Consul.

Au soir du 24 décembre 1800, entre chien et loup, le triumvirat de terroristes Carbon, Limoëlan et Saint-Réjean déclenche l’attentat de la rue Saint-Nicaise contre Bonaparte. Avec sa baraka coutumière, le Premier Consul échappe une fois de plus à la mort. Si l’épisode a été souvent relaté, d’Ambrières est le premier à délimiter la part des responsables directs et celle de Cadoudal. Limoëlan restera ensuite introuvable, évitera l’échafaud, avant d’embarquer pour Norfolk en Virginie.

À partir de là, le destin de Limoëlan est si improbable qu’il ne saurait être dévoilé ici. La biographie est riche en retournements : laissons le lecteur les découvrir lui-même ! D’Ambrières rappelle le grand Paul Del Perugia par son approche quasi scientifique de l’histoire, mâtinée d’une solide culture religieuse. Il a la précision du polytechnicien, la passion de l’historien et le cœur breton. D’Ambrières est de ces conteurs savoureux qui, quand ils racontent l’Histoire, semblent la vivre de l’intérieur.

 

René d’Ambrières, Le fulgurant destin du Chevalier de Limoëlan. Via Romana, 2023, 248 pages, 24 €.

11. Comme Belmondo, dans Le Professionnel.

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