C’est un ouvrage d’une précision rigoureuse. Chapitre après chapitre, on assiste en quelques mois à l’effondrement d’une monarchie presque millénaire, la plus ancienne d’Europe, la plus nationale qui fût jamais. A quoi pensait Louis XVI ? Le portrait de l’homme se dessine au fur et à mesure des évènements. Il aurait tout pu. Il fallait vouloir et décider avec des hommes forts ; et ainsi régler les problèmes incontestables de l’époque, imposer aux Français et surtout aux privilégiés les réformes qui étaient toutes dans les dossiers ministériels et que réalisera Bonaparte dix ans plus tard mais de manière despotique – manière qu’apprécient les Français en dépit qu’ils en aient ! Louis XVI n’était pas un tyran, pas même un despote, c’était le plus débonnaire des Rois. Et c’est lui que la Révolution dans sa logique implacable a travesti en oppresseur grotesque. La confrontation était inscrite dans le déroulement même des évènements. Il fut assimilé, identifié, à tout l’Ancien Régime. C’était afin de mieux l’abattre. D’où les journées du 10 août, l’enfermement au Temple. Pour aboutir au procès qui ne fut qu’une machine idéologique, et à la condamnation qui en était l’issue obligatoire.

Tout est décrit au jour le jour de cet enfermement honteux avec ses infamies et ses mascarades : tous les personnage sont là, les monstrueux, les apeurés, les pauvres gens, les sympathiques, charriés par des flots de violences et de vilenies que personne ne contrôle. La sérénité du Roi dans ce tourbillon étonne même ses ennemis.

Puis vint le tour de la Reine qui ne fut jamais plus reine qu’au cours de son procès ; suivie de Madame Élisabeth, toujours digne et sainte.

Les juges, les maîtres de la Convention et de la Commune étaient des fripouilles que rien ne retenait, ou des fous frappés de la paranoïa qui est la caractéristique essentielle de l’esprit révolutionnaire.

Restaient les deux enfants, séparés l’un de l’autre : le petit Louis XVII qui incarne à tout jamais l’Enfance maltraitée, dégradée, déshonorée, salie, offensée dans sa dignité humaine, parce qu’enfant et parce que roi, car il fut roi et c’est la honte inamissible de la France et des Français, leur remords inavoué qui est le nœud de leur problème politique ; et Madame Royale qui seule échappa après Thermidor pour des raisons diplomatiques.

Cette histoire tragique est au cœur de l’histoire de France. C’est ce que montre l’auteur tout en évitant de prendre parti, sans doute par souci d’impartialité. Mais il n’y a pas d’impartialité en histoire. Chacun sera libre d’en tirer les conclusions qui s’imposent. Quel tableau que celui de tous ces pauvres types – car c’étaient tous des pauvres types, même ceux qui se croyaient doués ! – qui crurent mener, façonner l’histoire ! Beaucoup connurent un destin tragique ; nul ne s’en remit vraiment. La France, elle, ne s’en remet toujours pas. C’est le secret de son destin. Remercions Charles-Éloi Vial pour ce travail considérable qu’il expose dans une langue aussi élégante que limpide.

La famille royale au Temple, Le remords de la Révolution 1792-1795, Charles-Éloi Vial, éd. Perrin, 433 p, 25 €.