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Le communisme à la lumière de Fatima

Quelle est l’actualité du message de Fatima, alors qu’une partie des prédictions semble être advenue ? Et dans quelle mesure le communisme, sous ses formes actuelles, ne demeure pas le plus grand danger ?

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Le communisme à la lumière de Fatima

Octobre 1917, en Russie éclate la révolution communiste qui va inaugurer une ère de domination cruelle, totalitaire, inhumaine et planétaire : le premier totalitarisme et la mère de tous les totalitarismes à venir. Le communisme, praxis dogmatique, ajoute de la violence à la violence, se repait de violence et est tout entier violence. Violence faite à l’individu, violence faite aux sociétés, violence faite au droit des personnes, violence faite au droits des peuples, violence, in fine, faite à Dieu lui-même, puisque l’idéologie communisme est viscéralement athée.

Le 13 du même mois d’octobre 1917, quelque part au Portugal, dans une lande calcaire et désolée, pointillée d’yeuses faiblardes, trois enfants disent voir pour la dernière fois « une dame plus lumineuse que le soleil ». Cette « dame », l’air grave, leur aurait parlé de prière, de conversion, de guerres et de retour de la paix. Elle leur aurait aussi communiqué un secret. Ce jour-là, le dernier de ces visites mystérieuses, qui avaient commencé en mai de la même année, une cinquantaine de milliers de personnes est rassemblée à Fatima. Dans la foule, des croyants fervents et peut-être un peu échauffés, comme cela arrive toujours dans les lieux où le surnaturel est censé se manifester, mais aussi des sceptiques, et même des athées, certains bienveillants, curieux et d’autres hostiles. Dans cette foule immense, dans la lande grise et boueuse, puisqu’il pleuvait depuis le matin, des paysans, des va-nu-pieds, littéralement, des bourgeois et des bourgeoises, des médecins, des professeurs d’université, quelque rares prêtres, catégorie la moins représentée, tant il est vrai que les curés se méfient toujours, et avec raison, du surnaturel, des journalistes, et notamment celui de O Século, journal anti-clérical, franc-maçon et fortement républicain, organe officiel du régime mis en place depuis l’abolition de la monarchie en 1910.

Ce 13 octobre, donc, tout ce petit monde, précipité de tout ce que comptait le Portugal de ce début du siècle, pataugeait dans la boue entre les affleurements de roche. Ils étaient tous là parce qu’ils attendaient quelque chose. La « Dame du Rosaire », identité que vient de décliner, aux trois enfants, l’apparition lumineuse, avait promis pour ce dernier jour, un grand miracle. Cela avait mis l’eau à la bouche de beaucoup. On attendait donc, ce « grand miracle » sans trop savoir ce qu’il fallait attendre au juste. Mais voila que cesse la pluie et que la monstrueuse carapace noire des parapluies serrés les uns contre les autres se dissout au moment précis où les enfants prétendent que l’apparition est présente. La pluie cesse mais pendant quelques minutes le ciel reste lourd de nuages sombres. Soudain les yeux de la foule se tournent vers le soleil qui vient d’apparaître rompant le rideau noir de la masse nuageuse. Il est là, disque parfait comme s’il était d’argent ou de nacre – pour reprendre les mots de la foule – lumineux mais parfaitement observable sans que les yeux en pâtissent. Et ce disque palpite, respire, on dirait. Le voilà maintenant qui se met à tourner sur lui-même, comme une roue de feu mat – c’est toujours la foule qui parle – projetant du jaune, du vert, du rouge, sur les roches affleurant la terre, sur les foulards des paysannes, sur les chemises des hommes, sur les visages ahuris des uns et des autres. On se croirait dans une cathédrale dont les vitraux colorent les murs – c’est la foule qui compare. Le disque solaire tourne et tourne. La foule crie, certains pleurent, tous sont dans une parfaite hébétude. En avez-vous pour votre argent ? Pas encore ? ! Soit : la sphère solaire toujours folle opère une “danse” – la foule est portugaise, elle aime danser, alors le soleil fait comme elle, il danse –  zigzagante pour sembler enfin se détacher du ciel et descendre, vertigineux, vers la masse des témoins qui en sont à confesser publiquement leurs fautes ou à réciter le credo. Après une bonne dizaine de minutes, tout rentre dans l’ordre. Le soleil devient, comme il est à son habitude, banalement aveuglant ; la journée restera ensoleillée avec ici et là le passage de rares nuages… Quelques jours plus tard, il en coûtera au journaliste de O Século d’avoir écrit et publié dans son très républicain journal ce qu’il a vu, de ses yeux vu, à Fatima, ce 13 octobre, aux alentours du midi astronomique, comme on disait alors.

Un signe apocalyptique

Ce signe, indubitable – quelque chose a eu lieu, c’est certain et même si on relativise les envolées épiques de certains récits, force est de se rendre à l’évidence : tous ne peuvent mentir ! –, clôt ainsi la mariophanie la plus problématique de l’histoire de ce genre de phénomènes. La seule franchement moderne. Et sans doute la seule à le rester encore longtemps. La Vierge y est sobre, toujours sérieuse, ne parlant que peu, invitant de façon répétitive à la prière du chapelet pour obtenir la fin de la guerre et la paix. Mais ce signe, proprement apocalyptique, du soleil, place le message de la Dame du Rosaire dans une perspective tragique. Pourquoi cette débauche de spectacle ? Pourquoi ce bouquet final ? Pourquoi cette foule frappée de stupeur ? Pour une Dame juchée sur un chêne-vert et demandant que l’on prie le chapelet ? Pour une petite sainte Vierge candide et grave qui ressasse à chacune de ses visites et la date fatidique du 13 et les mêmes rengaines de bigotes ? Le curé en fait autant et pas besoin de piédestal végétal dans une lande minable où paissent les moutons.

À moins que l’apparente indigence du message virginal ne soit qu’un voile qui cache quelque chose de plus décisif ? Cette insistance à la prière et à une prière répétitive – quoi de plus répétitif que le chapelet –, cette insistance sur la présence divine – Marie à Fatima n’a que Dieu à la bouche : « Que l’on offense plus Notre-Seigneur qui est déjà suffisamment offensé » –, cette insistance à venir là tous les 13 du mois recèle sans doute autre chose, des paroles plus inouïes.

Le Portugal était depuis sept ans dans les mains des sans-Dieu qui persécutaient l’Église, le monde allait, avec cette révolution d’octobre russe, aller plus loin encore. La guerre allait finir – la Dame l’avait dit –, les soldats allaient rentrés chez eux mais on aurait qu’une moitié de paix. Sans faire ici l’histoire critique du texte de ce que l’on appelle « le secret » de Fatima contentons-nous  de reporter les paroles attribuées à la Vierge, paroles scellées puisque dites avec défense expresse de les communiquer avant l’heure (je traduis directement du portugais) : « Si l’on fait ce que je dirai beaucoup d’âmes seront sauvées et vous aurez la paix. La guerre va finir, mais si l’on ne cesse d’offenser Dieu, sous le règne de Pie XI commencera une autre pire. Lorsque vous verrez une nuit illuminée par une lumière inconnue, sachez que c’est le grand signe que Dieu vous donne qu’il va punir le monde de ses crimes, par le moyen de la guerre, de la faim et de la persécution contre l’Église et le Saint Père. Pour l’empêcher, je viendrai demander la consécration de la Russie à mon Cœur Immaculé et le communion réparatrice des premiers samedis. Si on est attentif à mes demandes, la Russie se convertira et on aura la paix, sinon elle répandra ses erreurs de par le monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l’Église, les bons seront martyrisés, le Saint-Père aura beaucoup à souffrir, plusieurs nations seront annihilées, mais à la fin mon Cœur Immaculé triomphera ».

Il faudrait faire l’exégèse de ce texte, dont la citation ci-dessus n’est qu’un extrait, tant il semble confus, excessif, révoltant même. Personnellement, je l’ai déjà lu et relu des dizaines de fois, cherchant une logique intime, cherchant une cohérence, à ce qui semble des vaticinations indignes d’une Mère… Et pourtant, plus je le lis, plus je lui trouve une saveur non seulement biblique, mais aussi évangélique. Que ces paroles soient tombées en 1917 des lèvres de Marie ou qu’elles aient été le fruit de l’expérience mystique de sœur Lucie, carmélite, survivante des petits enfants, qui les communique pour la première fois dans leur intégralité en 1942, il n’empêche qu’elles contiennent quelque chose de prophétique, car ni en 1917 ni en 1942 on ne pouvait savoir que « des nations allaient disparaître » par la grâce du communisme athée. (Lucie raconte qu’enfant, elle ne savait pas qui était cette Russie, elle pensait que c’était une femme particulièrement méchante, et, de Pie XI, les enfants croyaient qu’il s’agissait d’un roi.)

Le communisme, prolifiquement néfaste

Dans un livre que je lisais récemment, l’auteur, une journaliste portugaise, faisant œuvre critique – de façon assez honnête du reste, bien que pas entièrement impartiale – mettait en doute l’authenticité du texte, autrement dit, ne pouvait pas l’attribuer à la Vierge, parce que, disait notre auteur, il est faux de dire que la Russie communiste soit à l’origine de la seconde guerre, d’une part, et que d’autre part, bien plus étrangement d’ailleurs, la céleste vision, censée savoir toute chose, est particulièrement silencieuse sur Hitler et le nazisme.
Que répondre ? Tout d’abord ceci : le texte ne dit pas que la Russie communiste soit à l’origine de la seconde guerre. Le texte ne dit rien sur le belligérant qui est la cause de la guerre. Dieu ne fait pas de politique et sa mère pas d’avantage. La cause de la guerre, la cause ultime, est l’offense faite à Dieu. Et qu’est-elle cette offense ? Elle peut prendre plusieurs visages et, outre le fait de nier idéologiquement l’existence divine, les multiples offenses faites aux hommes sont un autre fait, et capital. Le genre prophétique, et le texte du “secret” de Fatima est de ce genre, n’a pas la logique rationnelle et discursive et ne correspond pas à l’adage « ce qui se pense bien, etc. » Non, la prophétie est un regard, un regard synthétique pour lequel les catégories de temps et d’espace n’ont plus beaucoup d’importance. Les causes secondes sont secondes précisément et ne reste que la cause initiale, la cause des causes, la cause première.

Reste l’argument du silence à propos du nazisme et d’Hitler. Si le nazisme est une peste outrageante et néfaste, cela ne fait aucun doute, il n’en reste pas moins vrai que le communisme en est une autre bien pire. Tout d’abord le communisme affiche clairement sa négation de Dieu et c’est de cette négation première que tout le reste découle. Sur ce sujet, le nazisme biaise, reste flou, propose une transcendance tronquée. L’athéisme communiste quant à lui est militant, fanatique et matrice de bien des atrocités. Le nazisme est mauvais et sa malice, pour ainsi dire, saute aux yeux. Pour devenir nazi, selon Alain Besançon, il faut faire un saut éthique assez remarquable. Le communisme sous ses dehors de philanthropie, d’égalitarisme, avec son relent de christianisme « pour les nuls », ne demande pas tant. Le saut éthique n’est pas si métaphysique. C’est après que l’on plonge dans la métaphysique, pas au début. Aussi on peut devenir communiste par vertu. Mais une fois la profession de foi effectuée, la violence s’ajoute à la violence, elle s’accroît et devient proprement une chose folle. Elle s’attaque aujourd’hui à ceux-ci, demain à ceux-là sans, en apparence, aucun discernement. Tout et n’importe quoi, tout le monde et n’importe qui peut devenir l’objet de l’élimination communiste.

Enfin, le nazisme n’a eu qu’une existence néfaste assez brève, presque rien au regard du prolifique communisme qui, de fait, a étendu de par le monde ses erreurs et ses crimes. Alors, même si je ne suis pas à la place de Dieu, il me semble que le communisme représente une offense non pas plus grave, mais plus prolifiquement perverse encore que celle du nazisme. Le nazisme est une crise épileptique, le communisme une pathologie lourde et chronique. Enfin, il suffit de dire qu’il est la quintessence du totalitarisme et qu’à ce titre il récapitule en lui, d’une certaine façon, le national-socialisme. Du reste, les deux pestes du XXe siècle sont issues de l’idéologie socialiste. Alors, oui, la Russie fut la grande marraine des atrocités qui recouvrent le XXe siècle et le nôtre encore. Elle fut l’œuf du « dragon rouge » et peut-être qu’aujourd’hui encore elle est concernée par la vision prophétique de Fatima : quel est ce temps de paix accordé au monde ? Et si temps de paix il y a, c’est qu’il ne durera pas !

Fatima est un événement de nature surnaturelle, une irruption prophétique dans notre monde en proie aux convulsions. Y apparaît la femme qui a pour manteau le soleil et couronnée d’étoiles, celle que saint Jean voit au chapitre 12 de son Apocalypse. Elle vient pointer du doigt ce que produit l’abandon et la négation de Dieu : la guerre, la famine – ah, Ukraine ! –, les persécutions contre l’Église – ah, Espagne ! – et contre le Saint-Père – Jean-Paul II (ce pape venu du communisme), 13 mai 1981, anniversaire de la première apparition de la Vierge à Fatima ! –, elle vient enfin prévenir le surgissement du « dragon rouge »  de l’Apocalypse : « un autre signe parut encore dans le ciel : tout à coup on vit un grand dragon rouge ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses têtes, sept diadèmes ; de sa queue, il entraînait le tiers des étoiles du ciel, et il les jeta sur la terre. Puis le dragon se dressa devant la femme qui allait enfanter afin de dévorer son enfant, dés qu’elle l’aurait mis au monde. » Le communisme athée est l’une des figures du dragon, une de ses incarnations.

Fatima est le signe que l’histoire des hommes recèle une interprétation plus ultime, qu’elle n’est pas uniquement des faits ajoutés aux faits, des morts par dessus les morts, mais qu’elle porte un sens, qu’elle se dirige vers quelque part, ou mieux quelqu’un. Un quelqu’un qui la transcende de part en part, un quelqu’un qui la porte déjà tout entière et qui nous invite à l’assumer librement en nous prévenant que toucher à l’homme, c’est le toucher Lui.

 

Illustration : O Século rapporta le miracle du soleil qui danse dans son édition du 15 octobre. « Il reste aux compétences à se prononcer sur la danse du soleil, qui, aujourd’hui, à Fatima, a fait exploser les Hosanna de la poitrine des fidèles et a naturellement impressionné – des témoins dignes de foi me l’assurent – les libres-penseurs et d’autres personnes qui ne se préoccupent pas de choses religieuses et qui étaient venus sur cette lande désormais célèbre

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