Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
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On le sait, Chesterton se convertit au catholicisme. Il en fut lui-même assez étonné mais accueillit la chose avec intelligence et bonne humeur, fidèle à son habitude. D’autres peinaient à l’admettre. Il écrivit donc des pages admirables pour démontrer en quoi il avait raison, c’est-à-dire en quoi le Christ est la vraie lumière du monde et l’Église son œuvre. Dans ce livre, inédit en Français, il défend moins le catholicisme, sa grandeur, sa finesse, sa robuste et délicate vérité, qu’il ne se livre lui-même, objet d’étude : il raconte comment un converti vit sa conversion, son cheminement vers Dieu et sa médiation, l’Église. Converti intelligent, protestant, Anglais, c’est-à-dire déjà nanti d’une solide culture chrétienne, pétri de quelques siècles de protestantisme, averti de toutes les polémiques, conscient de toutes les objections. Mais Chesterton ne se relance pas, comme dans d’autres de ses ouvrages plus fameux, dans la joute, la polémique et l’apologie. Il raconte comment l’intelligence mène à Dieu en grande partie parce qu’elle reconnait que l’Église a une sagesse multiséculaire qui lui permet de tempérer toutes les exaltations purement humaines (et d’avoir déjà les réponses à ses contradicteurs qui manquent souvent d’imagination, comme le remarque Philippe Maxence, le préfacier). Le témoignage est intéressant et touchant, car un intellectuel anglais des années 20 ne se livre pas tout nu comme une vedette de la téléréalité.
Chesterton, donc, analyse le patriotisme anglais, médite sur les nations, met en garde contre les catholiques qui parlent de leur foi à tort et à travers, dresse, enfin, le portrait d’une Mère antique et toujours jeune, aimante, soucieuse de ses enfants, les gardant dans la vérité tout en leur laissant pleine liberté d’aller gambader dans les prés de la folie humaine (« nous avons besoin de quelque chose qui tienne immobiles les quatre coins du monde pendant que nous nous livrons à des expériences scientifiques ou que nous bâtissons nos utopies. ») Admirable Église. On comprend qu’elle ait pu séduire tant de beaux esprits. Si on ne devait retenir qu’une phrase, qui à elle seule justifierait qu’on achète ce livre, ce serait l’incipit du chapitre V : « L’Église catholique est la seule réalité qui épargne à un homme la servitude dégradante d’être un enfant de son siècle. »
Et à peine ceci écrit, la nostalgie nous point : « une institution aussi ancienne que l’Église catholique possède tout un arsenal d’armes et de munitions dans lequel elle peut choisir celles qui lui paraissent le mieux appropriées pour mener son combat du moment. » Car Chesterton oppose l’Église sans cesse vivifiée et vivifiante aux « credo nouveaux […] se disent tous progressistes car le progrès est précisément le credo particulier de notre époque ; ils se veulent tous démocratiques car notre système politique prétend assez pathétiquement l’être. Ils cherchent à tout prix une réconciliation avec la science qui n’est le plus souvent qu’une abdication prématurée. Ils se dépouillent hâtivement de tout ce qui pourrait être considéré comme vieillot et démodé en matière de rites et de symboles. » Etc. Le lecteur sera saisi de la comparaison involontaire qu’il fera avec l’Église éternelle de Chesterton et celle de ces dernières décennies. Comment dire aujourd’hui, avec la confiance et la conviction de Chesterton, qu’on est catholique « parce que c’est la seule religion dans laquelle un supérieur ne peut être supérieur dans le sens où il se targuerait de sa supériorité » ou « parce que c’est la seule religion qui parle avec l’autorité de la vérité ; comme un messager qui refuserait d’édulcorer ou de falsifier le message dont il est chargé ». Bref, le livre est un peu daté. Mais en même temps, ne nous dit-il pas, justement, que tout ceci a déjà été vécu, et que le Christ comme son Église surpassent toutes nos humaines crises ?