Tribunes
Que faire ?
Adieu, mon pays qu’on appelle encore la France. Adieu.
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L’imaginarium de Baumier
Longtemps j’ai lu des romans d’écrivains parus en Blanche chez Gallimard, en confiance. Ils étaient en piles chez les libraires, obtenaient des prix, certains auteurs bâtissaient peu à peu une œuvre, devenant ce que l’on appelle avec déférence un écrivain, espèce égarée qui connaît beaucoup d’aspirants mais peu d’élus. L’on peut avoir publié nombre de livres et de romans et ne point se prétendre écrivain, ce qui est mon cas. L’être d’un écrivain est inexprimable, seuls ceux « qui en sont » savent, justement, qu’ils en sont. Cela se ressent en lisant, au hasard, James Ellroy, Houellebecq ou le Rebatet des Deux Étendards, un roman caché au fond du catalogue Gallimard, plein des grandes œuvres françaises et étrangères du siècle passé, que l’on pense à La Mer de la Fertilité de Mishima. J’ai du reste sous les yeux Les noirs et les rouges de Garlini. La classe, de la bonne et grande littérature, de ces romans que l’on soupèse en librairie en même temps que son larfeuille en priant pour que la monnaie trébuche en quantité suffisante.
Que se passe-t-il chez Gallimard ? Du moins, dans cette anciennement très littéraire et très estimée collection Blanche ? Avec Côme Martin-Karl et La Réaction, on ne soupèse que du vide et surtout l’on veillera à ne pas dépenser un cents. À moins d’être de ses amis, que l’on suppose nombreux tant les nuits de la communication parisienne s’étirent. Un roman qui fait honte à ce qu’il est convenu d’appeler le romanesque. Et l’écriture. Il fut assistant parlementaire, semble avoir travaillé ou travailler encore dans « la communication », si l’on en croit les rhizomes du net, ce qui peut expliquer la nullité d’une écriture, digne d’un prospectus publicitaire d’amplitude zéro : « C’est à ma grande surprise que j’existe. La possibilité de n’avoir jamais été là est si immense, si écrasante comparée à la possibilité inverse, que ç’en est vertigineux. L’enchaînement des hasards qui, depuis le paléolithique, ont conduit à ce que je m’éveille tous les matins relève de la plus infime des probabilités. Je ne suis pas croyant, donc aucune des questions qui pourraient logiquement suivre, comme « pourquoi », ne me concerne. De cette constatation, je ne fais rien. Le contraste entre l’ampleur de cette réflexion et la petitesse de son intérêt m’a toujours frappé ». Ce sont les premières lignes. Chacun aura reconnu les questions « métaphysiques » qu’il se posait l’année de ses 14 ans, en se triturant le nez. Pour Gallimard, c’est un « roman édifiant sur notre époque », il fallait oser. Ah… Il y a un sujet, au fait : « Matthieu Richard, un trentenaire sans emploi, grenouille dans une France de plus en plus réac. Par dandysme, il fréquente divers milieux d’extrême droite, peuplés de marginaux bien nés et d’idéologues sous acide. En rejoignant le Renouveau réactionnaire, un groupuscule catholique intégriste, il se confrontera à ses névroses politiques et sentimentales. » Matthieu est homo, c’est la moindre des choses.
Franchement, cher Antoine Gallimard, vous avez au sein de votre comité de lecture, autour de la table des 12, des écrivains, des vrais, et pour la plupart d’entre eux je suis en désaccord politique complet, pas forcément littéraire cependant. Mais que se passe-t-il ? À qui donc avez-vous confié les rênes de la direction littéraire pour qu’une telle souillure de la littérature romanesque paraisse sous une aussi belle couverture que la Blanche ?