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La femme idéale

La gauche ne considère pas le réel : elle construit un modèle idéal et s’efforce ensuite d’y faire correspondre la réalité. Le peuple idéal des communistes ou la femme idéale des féministes n’ont que de lointains rapports avec les travailleurs supposés exaltés et les femmes supposées défendues. Et les idéologues ne considèrent en fait que leurs adversaires, pour les éliminer.

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La femme idéale

L’absence de toute célébration féministe de la victoire électorale de Giorgia Meloni n’a pas pu surprendre qui que ce soit. Je veux dire, qui que ce soit d’un peu lucide et informé. Ceux qui s’attendaient à entendre Léa Salamé saluer, avec des tremblements d’émotion dans la voix, l’avènement d’une nouvelle femme puissante, ou qui, au détour des réseaux sociaux, pensaient croiser Caroline de Haas dansant une gigue endiablée, bras-dessus bras-dessous avec Sandrine Rousseau, telles des sorcières en plein sabbat, sont probablement les mêmes que ceux qui ont cru Emmanuel Macron lorsqu’il a déclaré qu’il fallait être « pétri d’un respect infini pour chacun. » Nous avons vu jouer cette comédie trop de fois. La sororité tant vantée disparait devant le désaccord politique avec la même fulgurante rapidité qu’une ligne de coke placée devant Virginie Despentes.

Mais il faut aller un peu plus loin dans l’analyse. Ce que nous rappelle cet épisode, et tant d’autres semblables, c’est la nature totalement idéologique du féminisme contemporain, au sens strict du mot. Le féminisme est la logique d’une idée : celle de l’injuste domination d’un sexe sur l’autre par tout et toujours depuis la nuit des temps. Cette domination est la grille d’explication universelle, le fin mot de la différence des sexes, des rapports hommes/femmes et en définitive de tous les phénomènes sociaux. Ce qui signifie que le féminisme entretient avec « les femmes » le même genre de rapport que le parti communiste entretenait avec « le prolétariat ».

L’idéologie définit ce qu’est une femme

Ceux qui s’étonnaient que, dans les régimes communistes, le peuple puisse être plus durement opprimé que n’importe où ailleurs n’avaient pas compris que le « prolétariat » dont le parti se voulait l’avant-garde n’avait d’existence que purement idéelle. Le « prolétariat » communiste, c’est le peuple en tant qu’il se conforme à l’idéologie du parti. Lorsque le peuple ne se comporte pas comme le parti l’attend de lui, c’est qu’il est infecté par les idées bourgeoises. Il n’est pas vraiment le peuple, il est une force réactionnaire et petite-bourgeoise qui menace la révolution. Il peut donc, et même il doit, être exterminé. Or, l’idéal fixé par le parti étant à strictement parler contre-nature, puisqu’il exige une totale déprise de soi-même, une totale impersonnalité, il ne peut jamais être atteint. Le peuple est encore et toujours contaminé par les idées « bourgeoises ». Tout est encore et toujours à détruire pour que la société communiste puisse advenir. Et c’est ainsi que le peuple réel est systématiquement sacrifié au peuple imaginaire.

Et c’est ainsi que les femmes réelles sont sans cesse sacrifiées aux femmes imaginaires.

De la même manière, « les femmes » que les féministes disent défendre et dont elles prétendent seules porter les intérêts ne sont pas les femmes de chair et de sang que nous côtoyons tous les jours. N’est femme que celle qui répond en tous points à l’idée que le féminisme se fait des femmes. C’est l’idéologie qui définit ce qu’est une femme, toute la mission des féministes étant de faire se conformer la réalité avec celle-ci. Or cette ligne exige une hostilité complète et totale à l’égard des hommes. La masculinité (qui n’est qualifié de « toxique » que de manière rhétorique, car en réalité il s’agit d’un pléonasme) doit être extirpée de la même manière que la « bourgeoisie » doit périr pour que la société communiste puisse advenir. La femme du féminisme est un pur idéal : la combinaison impossible d’une pure oppression et d’un pur désir d’indépendance. Mais les femmes réelles n’étant jamais exemptes de tout attachement ou de toute complaisance à l’égard de quelques hommes en particulier, elles ne peuvent jamais coïncider avec ce que le féminisme attend d’elles. Toute femme qui dévie ouvertement de la ligne idéologique du féminisme n’est pas vraiment une femme, c’est un suppôt du patriarcat, une déviationniste ou une opportuniste. Et c’est ainsi que les femmes réelles sont sans cesse sacrifiées aux femmes imaginaires.

S’émanciper de sa condition sexuée

Il est inutile, par exemple, de défendre les femmes au foyer au nom de la liberté de chaque femme à choisir le mode de vie qui lui convient, car l’idéologie nous dit qu’une femme ne peut aspirer qu’à une chose : s’émanciper, des enfants, de la famille. Il est inutile, par exemple, de plaider que l’avortement à la demande n’est pas nécessairement dans l’intérêt des femmes elles-mêmes, car une femme ne peut aspirer qu’à une chose : s’émanciper de sa condition sexuée en maîtrisant totalement sa fécondité. Et ainsi de suite. Une femme est féministe ou elle n’est pas. Une femme « de droite » ou une femme « conservatrice », par conséquent, ou une femme qui plaide que certains hommes sont fréquentables, malgré tout, n’est pas une femme. Elle est juste un représentant du patriarcat comme les autres.

De la même manière, il est possible de passer des alliances temporaires avec les hommes idéologiquement proches, afin de servir les intérêts du féminisme. Mais il viendra toujours un moment où ces alliés deviendront des ennemis à abattre, une fois leur utilité épuisée. Et il ne sera même pas nécessaire de leur dissimuler qu’un jour viendra où ils seront des ennemis à abattre.

Lénine se moquait des capitalistes qui, disait-il, vont nous vendre la corde avec laquelle nous allons les pendre. Les hommes qui se veulent féministes travaillent chaque jour à faire advenir les lois et les mœurs qui serviront à les perdre le moment venu. Ils ne comprennent pas qu’ils travaillent à leur propre perte car ils croient que le terme « femmes » désigne une réalité objective, des êtres réels de chair et de sang, alors qu’il désigne une pure idée et que cette idée, par définition, les désigne, eux, comme ennemis. Leur incompréhension prouve qu’ils ne sont pas vraiment féministes, et ainsi qu’il est justifié de les écraser dès que possible. 

 

Illustration : À gauche, une vraie femme, progressiste et démocrate. À droite, un agent post-fasciste du patriarcat immémorial.

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