Ces Carnets de science sont une joie : on y saute allègrement des pierres à cerfs de la civilisation karasuk (superbes photos) à l’archéologie contemporaine des lieux de tournage du Peau d’âne de Jacques Demy (aux artefacts moins mystérieux), de la mesure de la progression des glaciers à la redéfinition du kilogramme à base de physique quantique (l’étalon en platine irridié de 1889 rentrera au musée), des moyens de protéger la nature (très intéressant entretien avec deux biologistes qui soulignent la grave crise environnementale que nous traversons tout en faisant part des solutions pour y remédier, qui ne passe ni par le véganisme ni par la disparition de l’homme) aux enjeux de l’analyse de la marche, activité banale en apparence mais déroutante : on peut se passer du cerveau pour marcher… C’est une vulgarisation intelligente qui prend son temps, qui donne la parole à des scientifiques qui savent faire partager leurs savoirs et leurs enthousiasmes. Évidemment, l’éloge de « l’histoire globale, un rempart contre le nationalisme » se lit avec moins de plaisir et on se prend à regretter que les sciences humaines soient si facilement idéologiques, même si les sciences dures révèlent, dans chaque article, qu’elles sont très conscientes des enjeux sociaux de leurs recherches, de leurs conclusions, de leurs discours. Outre la plaisir honnête d’une promenade scientifique inattendue, les Carnets de science N°5 fourniront aussi un bon contrepoint autant aux déclarations à l’emporte-pièce sur le salut par le numérique (énergivore) qu’aux éloges nostalgiques des vieux métiers : l’invention d’un nez artificiel biomimétique pour prédire si telle ou telle odeur sera perçue comme agréable selon les cultures fait rêver.

Carnets de science. La revue du CNRS. N°5, automne-hiver 2018-2019. CNRS éditions, 196 p., 12,50 €.