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Jules Verne, moraliste amer

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Jules Verne, moraliste amer

En 1969, Ghislain de Diesbach fait paraître un Tour de Jules Verne en quatre-vingts livres qui connaît un succès critique mais pas public. Réédité aujourd’hui, son titre insiste sur ce qui avait sans doute décontenancé les lecteurs de 69 : Jules Verne est raciste, misogyne, amoureux déçu de la science, bourgeois généreux mais pas socialiste, anglophobophile amer et, enfin, chrétien prisant plus la vengeance que le pardon. On comprend que la distance entre l’écrivain consacré et l’image qu’on garde de ses héros ait surpris les lecteurs, d’autant que Diesbach divise son ouvrage en chapitres très clairs où il montre qu’il a lu attentivement les romans de Verne. S’il avance que pour l’auteur de Michel Strogoff les races sont inégales, il le prouve avec des citations minutieuses, une mise en perspective des romans les plus fameux et les moins connus. S’il soutient que la vengeance est un ressort constant, Nemo, Robur ou Mathias Sandorff en témoignent, il le démontre. Diesbach propose un voyage rapide dans l’œuvre, voyage qui révèle des paysages déconcertants, à proportion qu’on aurait dû déjà les observer, ouvre de nouvelles perspectives ou, enfin, organise des impressions confuses, qu’il cristallise (le rôle des femmes, par exemple). L’un des grands intérêts de cette “étude psychologique” de Verne à travers son œuvre, outre sa méthode radicalement proustienne, est l’exposé des évolutions de ses opinions et de ses humeurs, de plus en plus sombres. La déchéance physique et l’approche de la mort ne les expliquent pas seules. On sent que Verne, progressiste de cœur, a été peu à peu forcé de considérer le monde moderne comme l’avènement des pires passions, portées par les humains les plus vulgaires, et conduisant à l’anéantissement C’est sans doute en cela qu’il fut vraiment visionnaire.

Ghislain de Diesbach, Jules Verne politiquement incorrect ? Via Romana, 2019, 320 p., 20 €.

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