Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
Article consultable sur https://politiquemagazine.fr
Jean Picollec l’atypique. Philippe Randa et les éditions Synthèse Nationale nous offrent sous ce titre plus qu’une biographie d’un phénomène de l’édition française des années 60 à nos jours.
Judicieusement rythmé par des témoignages, des illustrations, des photographies, c’est un florilège d’approches autour d’un éditeur qui, lui, n’est pas en quête d’auteurs (350 titres à son actif). Deux thématiques émergent nettement de la liste des parutions aux Editions Jean Picollec : la Bretagne, le monde celte ; et l’histoire contemporaine, française et internationale. Jean Picollec est Breton. Attaché de cœur et d’esprit à ce que dans toutes les régions on appelait la « petite patrie » – le terroir qui nourrit les premières racines, les premières affections, les premières réflexions. Pour lui, on peut faire l’économie du « petite », la Bretagne est sa patrie sans restriction.
On le trouve tout autant attaché charnellement à la France, à sa culture, sans que l’on doive opposer une filiation à l’autre. Et l’on peut penser que dans le regard qu’il porte sur cette France, les Lys et les Aigles ne disparaissent pas derrière les trois couleurs. Un fil rouge guide ses choix : la recherche d’une libre et juste expression sur les identités, les situations, les tempéraments, comme pour apporter à chaque fois une pierre à la compréhension du monde. Ce livre-chronique multiplie les témoignages, souvent surprenants, toujours éclairants.
Au plan professionnel se dessine le portrait d’un homme de métier qui met son savoir-faire, jusque dans le détail, au service d’une passion : « le livre n’est pas un produit ». Il a été qualifié d’« ambulance de l’édition française » tant, en matière d’histoire contemporaine, il a souvent récupéré des auteurs que d’autres n’avaient pas souhaité éditer, non en raison d’un manque de talent ou de pertinence mais pour ne pas risquer de faire des vagues. Un certain panache, jamais clinquant, un style qui n’est pas sans évoquer un certain Cyrano… qui serait né à Concarneau !
Au plan politique, dès les anecdotes sur les années de jeunesse, puis au fil des choix éditoriaux, apparaît un éditeur engagé, très engagé. Ses fréquentations sont éclectiques, signe d’un esprit libre. Un mode d’expression affable, respectueux. Mais… quand même… laisser découvrir un compagnonnage depuis la Corpo avec Bernard Ravenel, Jean-Marie Le Pen, Alain Jamet. Éditer, à côté de la biographie de Rosa Luxembourg, celle d’Augusto Pinochet. Avoir pour voisin de palier (la vie vous joue de ces tours) Maurice Bardèche… Lorsque je demande à l’ami Jean comment, avec son palmarès, il a réussi à ne pas être mis au ban du microcosme médiatique, il répond avec malice : « ce doit être mon côté trotskyste ». Il y a aussi du Gramsci chez cet homme-là, mais naturellement, sans se forcer.
Au plan personnel, c’est une profonde humanité qui se dégage, un homme pudique, une personnalité sans détours, une fidélité en amitié, un appétit de vivre et de connaître, de partager et de faire partager. Pas facile, sans être taxé de partialité, d’évoquer la biographie d’un homme avec lequel des liens se sont tissés depuis plus de quarante ans à travers successivement l’étape des échanges professionnels, la découverte de valeurs éthiques et politiques partagées, et le plaisir d’une proximité amicale au gré des circonstances de la vie.
Je dois à Jean Picollec la rencontre du « cercle breton », lors de ces déjeuners au manoir de l’Odet autour de Gwenn-Aël Bolloré (l’un des 177 des Commandos Kieffer), réunissant dans la chaleur de l’été quelques convives, éditeurs, écrivains, universitaires, hommes et femmes de toutes obédiences. Assis sur les marches du calvaire, nous refaisions ensuite le monde et les alentours, sans illusions mais non sans conviction, sous le soleil de juillet. Les origines irlandaises et bretonnes de mon épouse auraient pu me servir d’alibi pour justifier ma présence dans ce club essentiellement celtique, mais ce n’était pas nécessaire : le signe de ralliement était celui de la liberté de penser
J’aurais pu égrener la liste des titres et des auteurs cités dans ce livre, l’IRA, l’ETA, Breizh Atao, et aussi tous ces dossiers, ces récits, brûlants, l’Afrique, les Amériques, le Proche et le Moyen-Orient, l’Asie du sud-est, les Balkans, les « affaires », les biographies …Trop long, mieux vaut aller à la source, vous ne serez pas déçus.
Vous pardonnerez l’usage immodéré du « je », toujours haïssable, si cela vous conduit à découvrir un homme et une œuvre capables d’armer une réflexion personnelle sans jamais rencontrer l’ennui. Jean Picollec, l’homme qui fait regretter de ne pas être breton, mais donne quelques raisons d’être fier d’être français. Selon sa formule : « Toujours vivant, toujours indépendant, toujours sur le fil du rasoir ».