Alliant les ressorts du polar à une rigueur historique exemplaire, l’auteur parvient à faire revivre une période trouble de l’histoire française tout en maintenant une tension narrative captivante. L’intrigue s’ouvre sur le verdict accablant de vingt ans de réclusion prononcé contre Kamel Hadjedj, accusé de meurtre. Pourtant, ce fait divers n’est que la surface d’une histoire bien plus complexe, dont les racines plongent dans les affres de la guerre d’Algérie. Casotti dresse avec habileté le portrait de personnages pris dans les mailles de l’Histoire, chacun tentant de survivre et de donner un sens à ses actes.

Parmi eux, Antoine Ettori, ancien soldat désabusé ayant rejoint les rangs de l’OAS, incarne l’errance d’une certaine frange de l’armée française, déchirée entre un nationalisme exacerbé et la perte d’un empire colonial. De l’autre côté du spectre politique, Robert Féblart, médecin proche des indépendantistes du FLN, est le reflet de ceux qui, par idéalisme ou conviction humaniste, ont choisi de soutenir la cause algérienne. Entre ces deux figures, Kamel Hadjedj, coupable idéal, incarne tragiquement cette zone grise où les héritages conflictuels et les injustices historiques se cristallisent.

Les mécanismes de la mémoire collective et la difficulté d’affronter les fantômes du passé

L’un des grands succès du roman réside dans la manière dont Casotti parvient à restituer l’atmosphère tendue et dramatique du conflit. Plutôt que d’opter pour une reconstitution didactique, il préfère plonger le lecteur au cœur des tensions de l’époque à travers une écriture ciselée, un style rapide et limpide qui confère au récit une intensité particulière. Le rythme soutenu et la maîtrise du suspense participent à l’immersion, rendant la lecture aussi instructive que palpitante.

Ce roman choral ne se contente pas d’être une fresque historique ; il interroge aussi les mécanismes de la mémoire collective et la difficulté d’affronter les fantômes du passé. Loin de tout manichéisme, Casotti donne à voir la complexité des engagements, les dilemmes moraux et la part d’ambiguïté qui caractérise chacun des protagonistes. Il met en lumière les cicatrices laissées par ce conflit, qui continuent de marquer la société française bien après la fin des hostilités. Avec Dans les plis du drapeau, Frédéric Casotti livre une œuvre riche et nuancée, à la croisée du roman historique et du thriller politique. Un livre poignant, qui rappelle combien l’histoire coloniale française demeure une matière vive et brûlante, propice à la fiction autant qu’à la réflexion.

Frédéric Casotti, Dans les plis du drapeau. Le Cherche Midi, 2025, 208 p., 19,50 €