France
Cesser de se mentir
Sous le titre évocateur de Bal des illusions, l’essai de Richard Werly et de François d’Alançon tombe à pic.
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Arnaud Guyot-Jeannin nous offre un petit livre tonique sur la Tradition. Voici un quart de siècle que l’auteur écrit sur le sujet. Cette endurance mérite, sinon le respect, au moins qu’on s’y arrête, car il dessine au fil du temps une ligne qui prend à contre-pied le prêt-à-penser de l’homme de droite.
Son ouvrage se lit comme un agréable bric-à-brac de l’antimodernité. Il est à la fois un abécédaire et une galerie de portraits des intellectuels qui ont influencé sa pensée. L’abécédaire révèle la vision métapolitique de l’auteur ainsi l’identité, le nationalisme et le fédéralisme y ont une place importante. Un temps estampillé nouvelle droite, Guyot-Jeannin a été aussi marqué du sceau infâmant de la filiation à Julius Evola. Mais il a su très tôt sortir du piège intellectuel qu’est la “Tradition primordiale”. En fait, l’auteur réussit l’heureuse synthèse entre la tradition intégrale et la tradition catholique. Pour lui « l’homme de tradition prône le retour de Dieu dans l’espace public, afin de relégitimer le pouvoir temporel par l’autorité spirituelle ». Un peu à l’instar du sociologue Michel Michel qui, dans Le Recours à la Tradition, a tenté un rapprochement salutaire entre l’école de René Guénon et la tradition chrétienne : Guénon comme garde-fou aux dérives modernistes !
Mais pourquoi est-il si important de défendre la Tradition avec un grand T ? L’auteur nous le dit : elle est la transmission, et transmission des vérités permanentes. Elle permet donc une lutte de chaque instant contre le relativisme, l’indifférentisme, la destruction des cultures populaires. Guyot-Jeannin est critique sur l’identité nationale, soulignant avec angélisme, que « l’identité des autres n’est pas forcément une menace pour la mienne ». Le nationalisme lui apparaît comme une réaction crispée au mondialisme. Il renvoie, en cela, à Simone Weil qui parlait de la nation comme d’un objet cristallisé. Au roman national, il préfère les cultures locales enracinées. La chose mérite d’être discutée. La bonne organisation politique, pour Guyot-Jeannin, est un fédéralisme où peut s’appliquer la subsidiarité, fidèle en cela à Denis de Rougemont et à Proudhon.
Quelques belles trouvailles dans ce livre quand, inspiré, Guyot-Jeannin écrit qu’« à l’amour de la puissance, il faut substituer la puissance de l’amour » ! Ou lorsqu’à l’inverse il dit des gouvernants américains « qu’ils parlent toujours au nom du Bien et ne produisent la plupart du temps que le Mal. » Non sans humour, il souligne quelques contradictions chez Maurras et conclut par un : Va comprendre, Charles ! Tel est vraiment Guyot-Jeannin, un mélange d’échafaudages intellectuels et de spontanéité éclatante. Un grand agitateur d’idées.