Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
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Vincent Haegele est un auteur étonnant. Archiviste diplômé de l’École des chartes, universitaire, successivement directeur des bibliothèques de Compiègne et de Versailles, musicologue et compositeur, il est un spécialiste de l’époque napoléonienne ; il a reçu le prix Premier Empire. Il fouine, il découvre des archives, il s’amuse, il dresse des portraits. De Napoléon et de Joseph, de Murat, de toute la famille Bonaparte dans son livre récent Napoléon et les siens, un système de famille, publié chez Perrin, qui est plein de saveurs tant il restitue avec justesse une atmosphère, des qualités psychologiques, des notations subtiles sur les rapports de pouvoir et d’affection.
Dans un nouveau livre il se penche sur des archives de la fin de l’Ancien Régime, jamais dépouillées. Et il nous en livre trois destins qu’il intitule Des hommes d’honneur. Car l’honneur familial, personnel, était encore, à tous les étages de la société, la marque des caractères en ce XVIIIe siècle qui voit par ailleurs et en même temps l’effondrement de l’Ancien Régime.
Voici un gentilhomme de vieille race qui affronte ses voisins pour arrondir ses terres autour de son château, entouré d’hommes de loi qui compulsent les chartriers, débattent de champarts et de droits féodaux remontant à plusieurs siècles. Tout ça vainement. C’était un héros, un véritable, comme tout bon gentilhomme d’autrefois, un courtisan accompli, un atrabilaire et un procédurier redoutable. Il écrit des lettres à la marquise sa voisine, pour lui contester ses droits, dans une langue exquise d’une courtoisie aussi raffinée qu’aiguisée ; et la marquise lui répond sur le même ton. Merveilleux XVIIIe qui finit si tristement !
Suivent les portraits de deux compagnons d’origine plus modeste, bons vivants qui se poussent dans l’administration royale et princière, profitant de tout, s’insinuant dans les postes, à Paris, à Versailles, et en province. Complices, mais se heurtant à des positions trop fortes, se soupçonnant, se disloquant, pris dans les rêts des comptabilités de l’époque et finissant écoeurés. Quelle rapidité d’esprit mais pour quelle vanité !
Enfin un aventurier du bout du monde qui connut ce qui restait des Indes de Dupleix. Vaillant, aussi indiscipliné que fidèle, et qui romançait sa vie en essayant de la mener vers une gloire bien surfaite.
La langue vive de Vincent Haegele analyse parfaitement ces amusantes biographies qui finissent par s’évanouir dans la révolution. L’exactitude du pinceau peut se permettre la fine ironie d’une parfaite maîtrise du sujet.