Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
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En 1902, Théodore Reinach voit débuter la construction de la Villa Kérylos (nom grec de l’alcyon, oiseau légendaire qui fait son nid dans les vagues), un rêve grec planté à Beaulieu-sur-Mer. C’est Emmanuel Pontremoli qui a donné forme au rêve de l’archéologue. La villa est toujours là, restituant la troublante présence d’une maison antique intacte : il ne manque pas une tesselle aux mosaïques, les pièces sont meublées et les fenêtres ouvrent sur une mer inchangée. La maison a coûté une fortune car le commanditaire et l’architecte ont voulu fondre le confort moderne (chauffage par le sol, lumière électrique) et les raffinements anciens (fresques, stucs, mosaïques). Ils ont aussi voulu offrir des fenêtres sur l’extérieur, justement, contrairement aux maisons qu’on exhumait alors à Délos. Il s’agit moins de pasticher que d’imaginer comment l’art de vivre grec aurait pu traverser les âges, s’épanouir et connaître cette ultime réalisation (dans le grand salon, un autel de marbre porte la mention « au dieu inconnu », comme si saint Paul n’était pas encore venu à Athènes). La maison n’est d’ailleurs pas un musée : à peine cent ans auparavant, John Soane accumulait dans sa maison londonienne une masse considérable d’antiquités, surchargeant les murs, anéantissant l’espace. Reinach, lui, veut vivre dans une maison qui ne doit pas être un mausolée. Il légua sa maison en 1928 à l’Institut, dont il était membre. Adrien Goetz, qui y a été élu en 2017, a rédigé la présentation de cette chimère soigneusement élaborée. Il en avait fait le sujet d’un roman. Il restitue à merveille les intentions des deux créateurs, souligne les mérites de chaque pièce, toutes composées avec soin, des décors réinterprétant des motifs antiques jusqu’aux gonds des portes. La villa est une machine à remonter le temps, un sas évocateur avant de partir en Grèce. L’auteur rend un juste hommage à Pontremoli, grand prix de Rome en 1890, qui construisit aussi le curieux Institut de Paléontologie humaine en 1912, en face du Jardin des Plantes, manière de résumé architectural des connaissances préhistoriques de l’époque. La Villa Kérylos, moins didactique, plus raffinée, était son chef d’œuvre. Comme Adrien Goetz le rappelle, il vécut assez pour voir triompher Le Corbusier et sa Cité radieuse. Le soleil n’y brille pas comme à Beaulieu-sur-Mer.