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Éternel Lamoureux

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Éternel Lamoureux

Créé en 1881, l’orchestre qui porte son nom est toujours en activité. Le bordelais Charles Lamoureux (1834-1899) joua un rôle capital dans la vie musicale française durant le dernier tiers du XIXe siècle. Étude musicologique sous forme de biographie d’un musicien et chef d’orchestre hors norme, riche en informations statistiques, le livre de Yannick Simon comble une lacune et dévoile un « entrepreneur atteint d’une incurable phobie institutionnelle. »

Lamoureux se forma avec Narcisse Girard au Conservatoire de Paris, y obtint un Premier prix de violon en 1854, exerça comme instrumentiste dans l’orchestre de l’Opéra (1853-1859), puis à la Société des concerts du Conservatoire (1863) où il devint chef d’orchestre adjoint en 1872. Enrichi grâce à son mariage en 1860 avec Marie-Pauline Mussot, il fut en mesure d’investir dans la production de concerts. On lui doit la fondation d’un Quatuor à cordes actif de 1860 à 1874, avec lequel il introduisit Brahms en France. « Après avoir été un chambriste brahmsien et avant de devenir un chef wagnérien, Lamoureux aura été le promoteur de la musique ancienne. » En 1873, il mit sur pied la Société française de l’Harmonie sacrée qui exhuma les grands oratorios de Haendel et les passions de Bach jusqu’en 1876, date à laquelle sa carrière bifurqua. Il dirigea épisodiquement les formations de l’Opéra-Comique (1876-1877) et de l’Opéra (1877-1879) dont il démissionna pour créer sa propre société de concerts par volonté d’indépendance. Son professionnalisme exigeant fit de son orchestre « un des plus remarquables qui existe en Europe » selon Hugues Imbert.

À l’instar de François-Antoine Habeneck diffusant les symphonies de Beethoven avec la Société des concerts du Conservatoire au début du siècle, Lamoureux s’engagea passionnément en faveur du répertoire wagnérien tandis que ses concurrents Pasdeloup et Colonne défendaient plutôt Berlioz. On se souvient de l’échec cuisant de Tannhäuser, victime d’une cabale en 1861. Le maestro dirigea des représentations de Lohengrin dès 1887 puis en 1891. Sa ténacité popularisa durablement l’œuvre de Wagner parmi les mélomanes français.

La vision de Lamoureux transcendait les patriotismes alors exacerbés. Ses « choix artistiques sont résolument affirmés, mais plus variés qu’il n’y paraît. » Son vaste répertoire en témoigne. Si les compositeurs germaniques étaient à l’honneur : Beethoven, Weber, Mendelssohn, Schumann, Liszt, les compositeurs hexagonaux se taillaient une place de choix : Berlioz et Saint-Saëns en premier lieu, suivis de Chabrier, d’Indy, Lalo, Bizet, Massenet. La musique nouvelle n’était pas en reste : Sardanapale de Duvernoy, Lorelei des frères Hillemacher, Symphonie cévenole de d’Indy. Sa curiosité envers les jeunes écoles nationales étrangères – russe notamment – mérite pareillement d’être soulignée. Sa renommée lui valut des invitations à diriger à travers la France, en Angleterre, en Italie et en Russie.

Charles Lamoureux dut renoncer à son ambitieux projet de créer la Tétralogie à Paris dans le cadre de l’Exposition universelle de 1900, mais donna la première audition française de Tristan et Isolde en décembre 1899. Parmi les nombreux hommages que suscita sa disparition quelques jours plus tard, le plus éloquent demeure celui de Cosima Wagner qui envoya une gerbe avec ces simples mots : « À Charles Lamoureux, Wahnfried ».

Yannick Simon, Charles Lamoureux, chef d’orchestre et directeur musical au XIXe siècle, Actes Sud/Palazzetto Bru Zane, 239 p., 11 €

 

 

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