Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
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Camille Riquier, professeur de philosophie à l’Institut Catholique de Paris et spécialiste de Bergson et de Péguy, réfléchit à la difficulté de croire à une époque où l’athéisme semble devenu une évidence. Il ne s’agit pas simplement de rabâcher le constat du nombre déclinant des chrétiens pratiquants, mais de réfléchir à la fragilité de la foi contemporaine y compris chez ceux qui la professent. Car « notre époque est nihiliste ; et de venir après la mort de Dieu doit faire la situation du croyant comme de l’incroyant ». Et c’est pour cette raison que l’auteur, bien qu’il s’intéresse surtout à la foi religieuse, questionne la faculté même de croire, d’accorder créance au monde et confiance aux hommes, de s’inscrire dans une fidélité.
Pour mieux comprendre notre actuelle condition, C. Riquier retrace l’évolution de la croyance au cours des derniers siècles, à travers le commentaire de philosophes symptomatiques de leur époque. Par son scepticisme et son recours à l’autorité des Anciens, Montaigne tente de redresser un XVIe siècle (assez semblable au nôtre) où la foi déclinante laisse les superstitions se multiplier. Le XVIIe siècle, dont Descartes est le parangon, se caractérise par son effort courageux pour unir la foi et la raison. Mais le rationalisme prenant le pas sur son fondement théologique finit par miner la foi religieuse. Un temps, la croyance se sécularise, se reporte sur des valeurs chrétiennes laïcisées, mais peu à peu, comme l’avait prévu Nietzsche, la mort de Dieu doit entraîner celle de l’homme, la chute de tous les principes traditionnels et la plongée dans le nihilisme. Dès lors, comme le remarque Sartre, toute croyance est feinte, et relève de la mauvaise foi. L’homme d’aujourd’hui n’est vraiment ni croyant ni athée, mais agnostique. « La figure qui nous arrime mieux qu’une autre à notre temps et qui trouve en chacun à tout le moins une résonance intérieure, sinon une crainte, est bien celle du croyant tiède ou de l’agnostique ». Et la faiblesse de sa foi est proportionnelle à celle de son esprit critique, ce qui en fait un incroyant crédule, en proie à tous les mensonges d’internet. On ne croit plus en rien, on croit n’importe quoi.
On regrettera, en revanche, que l’auteur reste si flou sur le remède, se contentant d’espérer à la suite du protestant Paul Ricœur que l’exercice redoublé du doute permettra de purger la croyance de ses idoles et de découvrir, après la traversée de l’athéisme, une nouvelle « foi sans religion ». En attendant, comme il le remarque pourtant, « il demeure dans notre mémoire le témoignage de ceux qui ont cru ; et par ce fil, si ténu soit-il, nous tenons encore à la foi par leur foi ». Retrouver leur foi suppose peut-être de retrouver, au moins en partie, leur monde, en tout cas de changer le nôtre. Comme le disait Péguy, il faut faire les frais « d’une révolution temporelle pour le salut éternel ».