Civilisation
Apologétique policière
Benoît Roch a décidé de mettre ses pas dans ceux de Chesterton en inventant un franciscain détective qui œuvre dans le Pays d’Auge.
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Quand Boutang traduit Chesterton, en 1990, l’islam menace : Chesterton l’avait pressenti en 1914, sa longue fréquentation des élites progressistes l’ayant convaincu qu’elles ne délaissent aucune chimère et ne reculent devant aucune trahison. Boutang en était persuadé aussi. Que dire de leurs lecteurs, aujourd’hui ?
Cette épopée un peu emberlificotée, comme toujours chez Chesterton, d’une Angleterre dont les dirigeants détruisent les auberges pour y installer la lumineuse paix musulmane (qui débouchera sur une véritable invasion), avec tous les discours qui vont bien, journalistes en tête, fait l’effet d’un cauchemar éveillé – déclenchant immédiatement le désir de se comporter en Patrick Dalroy, géant irlandais qui promène une enseigne d’auberge dans tout le pays pour y servir du rhum à tous les assoiffés qui ne se résignent pas à tant de bonheur futur réglé sur une si étrangère musique. Chesterton excelle en scènes amusantes, en saillies profondes, en vues perspicaces, en ironie imperturbable, en nostalgie tendre et désespérée, en lyrisme à peine étouffé, et si son roman ressemble plus à un taillis qu’à un beau jardin, on lui pardonne volontiers son côté touffu tant la fable paraît juste et le remède (un peu de gnôle et beaucoup de tranquille courage), aimable – au moins avant l’invasion finale, qui demande aussi beaucoup d’héroïsme. Mais Chesterton promet la victoire : acceptons-en l’augure.