Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
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Jean-Luc Jeener mérite d’être connu. Personnellement. Les gens cultivés lisent attentivement ses critiques théâtrales dans le Figaro magazine et dans Valeurs Actuelles ; elles sont déterminantes pour eux. Les gens qui aiment le théâtre et qui osent s’aventurer hors des sentiers battus, prennent le risque d’assister dans son théâtre du Nord-Ouest qu’il dirige avec une pugnacité et une ténacité exemplaires, aux pièces qu’il fait jouer ; il donne chaque année des répertoires entiers, en ce moment l’intégrale d’Henrik Ibsen. Il mène son affaire avec cette liberté qui le caractérise, ayant pour compagne et amie cette austérité dans laquelle il vit et agit, ne se fiant dans ce dénuement, qu’aux seuls talents qu’il suscite avec la ferme volonté de maintenir, de restaurer, peut-être même, à sa manière à lui, de « créer » un théâtre vrai, ontologiquement, théologiquement fondé sur le sens spirituel de la vie humaine. Il l’appelle lui-même « le théâtre de l’incarnation ». Il s’y est identifié corps et âme.
Quel théâtre se permettrait de faire ce qu’il a fait, ce qu’il fait : l’intégrale de Racine – et quel Racine ! – l’intégrale de Corneille, de Molière, de Montherlant… Plus personne n’en a l’audace, même pas la Comédie française ! Vous pouvez chercher : pas même un DVD sur Racine !… En France ! C’est dire le degré d’anéantissement de l’esprit français !
On peut critiquer. Tout est critiquable. Jean Luc Jeener ne s’en prive pas de son côté. Même par rapport à lui-même, car il a écrit et monté des pièces, entièrement de son cru. Il a appris, il sait à fond tous les métiers et, par conséquent, toutes les ficelles du théâtre : directeur, auteur, metteur en scène… et critique. Et c’est cette critique dramatique qu’il analyse dans un petit livre amusant, aussi charmant que vigoureux, bourré d’anecdotes, car en la matière il connaît tout et tout le monde ; et il a de l’amitié pour presque tout le monde ! Il dit « je », il attaque, il loue, il condamne, il félicite, il dit son humeur, car pour lui rien ne vaut la critique d’humeur. L’idéologie, le vieux marxisme revisité par de pseudo-modernes, les non moins vieilles-lunes soixante-huitardes ont failli tuer le théâtre en France On ne sait que trop où ils règnent. Avec les bénédictions et l’argent de l’État. Il est vital de réagir. C’est la leçon de Jeener aujourd’hui.
En un mot, revenons à l’humeur française, bien française, la bonne ou la mauvaise humeur, peu importe, pourvu qu’elle signifie le goût, un bon goût, ce qui relève du génie propre à notre tradition. Eh oui, en dépit des pesantes idées du jour, il y a un bon goût et donc un mauvais goût. Ceux qui l’ont mauvais et qui veulent l’imposer, le nient bien évidemment. Il n’empêche. Que les gens de goût ne quittent pas la partie ! Il est encore un avenir pour le théâtre et la critique : il suffit de lire Jean-Luc Jeener pour en avoir la certitude.