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Crépuscule azuré pour Johannes Brahms (1833-1897)

Le label Azur Classical fait la part belle aux derniers opus du compositeur allemand, géant du romantisme.

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Crépuscule azuré pour Johannes Brahms (1833-1897)

Après avoir exploré Liszt et Schumann, le liégeois Marcel Cominotto, disciple de Nikita Magaloff et d’Aloys Kontarsky, aborde l’univers brahmsien en un double cd permettant d’appréhender l’évolution stylistique du compositeur sur quarante ans, depuis son opus 5 jusqu’à l’opus 119. Il s’attache à en souligner le raffinement harmonique et les audacieuses innovations techniques. Son interprétation fouillée allie vigueur maîtrisée et inventive délicatesse.

Brahms écrivit trois sonates pour piano dans sa jeunesse, marquant le genre d’un souffle fantasque de liberté, comme échappé du Sturm und Drang, avant de s’en détacher complètement. La 3e Sonate (1853) se conçoit comme un impressionnant poème pour le piano. Un seul motif y engendre tous les éléments développés au cours des cinq mouvements, procédé l’érigeant en chaînon reliant les ultimes sonates de Beethoven aux compositions cycliques de l’école franckiste. Le premier mouvement, tour à tour farouche et tendre, déploie une grande variété d’ambiances superbement rendues par Marcel Cominotto. L’Andante, nocturne exaltant l’amour, se remémore l’Adagio de la Pathétique de Beethoven. L’Intermezzo, sous-titré Rückblick (regard en arrière), en décline la thématique sur le mode funèbre, dans un climat annonciateur de Tristan et Isolde. Un héroïsme lisztien imprègne le Finale, grandiose marche vers la lumière.

Les tempétueuses Rhapsodies op. 79 (1879) appartiennent à la période de maturité du compositeur. Solidement charpentées, dotées d’une texture symphonique, elles s’apparentent plutôt au genre de la ballade. Le contrepoint très serré de la première se complait en une atmosphère tourmentée tandis que la seconde, à l’extrême liberté modulante, affiche une allure plus improvisée. Cominotto s’en empare de manière chevaleresque et dompte souverainement les embûches de ces contes fantastiques que Brahms aimait lire sous la plume d’Hoffmann ou de Tieck.

Les « berceuses de ma souffrance »

Parce qu’« il est important de connaître les grands hommes par leurs écrits » et que « la correspondance permet une sorte de tête à tête avec l’artiste », le musicographe Christophe Looten a publié récemment chez Actes Sud une sélection de quelque deux cent lettres (sur sept mille répertoriées), pour la première fois traduites en français. Ces missives, souvent brèves, toujours directes, révèlent quantité d’informations inédites et permettent de s’immiscer dans l’intimité du quotidien et du processus créateur d’un génie mystérieux. Les échanges avec Clara Schumann demeurent cependant les plus émouvants. Le mélomane tire profit d’une lecture éclairant et complétant la connaissance de sa musique, et notamment de la vingtaine de pièces pour piano qui jalonnent les pénultièmes années de sa vie et qui figurent sur le disque de Marcel Cominotto.

Composés durant les vacances d’été à Ischl en 1892 et 1893, ces cycles reflètent généralement angoisse et nostalgie. L’opus 116 rassemble trois caprices et quatre intermezzi. Un souffle épique emblématique du dernier Brahms, retrouvant les élans de sa jeunesse, traverse le premier Capriccio. Claude Rostand qualifie les 3 Intermezzi op. 117 de « paysages d’automne ». Ici, la passion s’est effectivement absentée, seule règne une atmosphère crépusculaire hautement poétique. Le premier, berceuse archaïsante magnifiquement harmonisée, fait référence à un poème populaire écossais : la Lamentation de Lady Anna Bothwell. Quant au troisième, le plus développé, traité sur un mode ténébreux, il offre un épisode central au scintillement quasi printanier. Les 6 Klavierstücke op. 118 attestent d’une appréciable diversité autant dans les formes employées (intermezzo, ballade, romance) que dans les climats évoqués. Ecoutez dans la quatrième pièce l’étonnante partie médiane faite d’accords pianissimo s’étageant sur plus de quatre octaves et générant un sentiment de solennité toute religieuse. Summum de l’ensemble, l’Intermezzo en mi bémol mineur énonce un Dies Irae à peine voilé et développe une méditation sur la mort majestueuse et intensément dramatique.

Ultime production pianistique brahmsienne, les 4 Klavierstücke op. 119 accomplissent la fusion entre son style propre et les influences viennoises (dont celle de Johann Strauss) et mitteleuropéennes. S’étonnera-t-on que son dernier morceau pour piano soit intitulé Rhapsodie ? Mais comme pour l’opus 79, il s’agit en réalité d’une ballade. Longuement développée en cinq épisodes disposés de façon concentrique, elle synthétise à elle seule tout le cycle. Une fanfare martiale en mi bémol majeur (ton héroïque par excellence !) tonitrue en ouverture. Comment ne pas songer à la Marche des Compagnons de David, qui conclut le Carnaval (1835) de Schumann ? Ainsi le compositeur jette-t-il un regard attendri sur sa jeunesse évanouie.

Le chant du cygne

En 1894, au terme de son existence, les Deux sonates op. 120 constituent une introspection nimbée de tendre et douloureuse mélancolie. Encensées par Clara Schumann, elles furent inspirées par le clarinettiste d’exception Richard Mühlfeld, rencontré à la cour ducale de Meiningen. De forme classique, elles séduisent par leur richesse thématique et rythmique utilisant métamorphoses et variations. L’allure rhapsodique de la Sonate n° 1 laisse s’épanouir le piano dans l’impétueux Allegro appassionato. Un deuxième volet pastoral précède la joute jubilatoire du Rondo final, un ländler exploitant habilement tous les registres de l’instrument. La Sonate n ° 2 se déploie en une longue méditation lyrique bâtie sur le dialogue entre les deux instruments culminant dans le scherzo central. Sur leur disque publié chez Azur Classical, Ronald Van Spaendonck et Johan Schmidt, complices bardés de prix et de références, défendent ces partitions avec élégance et s’attachent à en faire ressortir la profondeur. Le jeu du clarinettiste séduit d’emblée par sa sonorité pulpeuse et sa virtuosité volubile, habilement soutenu par la musicalité sans faille du pianiste.

Avec la mort de Brahms le 3 avril 1897 s’éteint tout un monde de légendes nordiques. Le piano romantique, initié par Schubert et Schumann, cède la place à un nouveau chapitre de l’histoire musicale.

 

  • Brahms, Sonate n°3, 2 Rhapsodies, Fantaisies op.116, 3 Intermezzi op.117, 6 Klavierstücke op. 118, 4 Klavierstüke op.119, par Marcel Cominotto, Azur Classical 171
  • Schumann, Soiréestücke op. 73, 3 Romances op.94, Brahms, Sonates op. 120 par Ronald Van Spaendonck, clarinette et Johan Schmidt, piano, Azur Classical 093
  • Brahms par ses lettres, traduction et commentaires de Christophe Looten, Actes Sud
  • Johannes Brahms par Claude Rostand, Fayard

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