Rien de tel qu’une république démocratique pour se méfier du peuple, surtout quand il prétend se servir de sa supposée souveraineté pour modifier les institutions qu’il est supposé s’être librement donné. Ce ne sont pas les toutes récentes déclarations de Fabius et Macron qui permettent de douter de l’horreur que suscite le référendum dans le parti de l’ordre. Voilà 19 ans que le référendum est enterré (il avait déjà connu 16 ans d’éclipse entre 72 et 88) et qu’on entasse sans cesse sur sa tombe les poids les plus pesants pour qu’il n’en surgisse pas, chaque question étant réputée trop complexe pour que demos puisse y comprendre quoi que ce soit. L’auteur retrace l’histoire constitutionnelle et politique de l’outil référendaire, que nos gouvernants redoutent, préférant sonder en permanence la population sans plus jamais lui donner la parole. Le traumatisme de 2005 explique tout : après trente ans d’Europe (le premier référendum pour autoriser l’adhésion aux Communautés européennes des nouveaux États candidats date de 1972), les Français n’en voulaient plus. Échaudés par le réel et méfiants envers les vendeurs de rêve, ils ont pris le pouvoir qu’on leur offrait. Pas question de retenter le coup ! Mondialistes, européistes, progressistes, tous craignent l’irruption du réel et, pire encore, de s’en remettre au peuple pour décider de ce dont le peuple a besoin. Alerte, documenté, incisif, cet essai dévoile la seule vérité démocratique française : le pouvoir ne veut pas du peuple.

Ghislain Benhessa, Le référendum impossible. L’Artilleur, 2023, 272 p., 20 €