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Le conservatisme, héritage pour l’avenir

Conserver est d’abord le contraire de dilapider

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Le conservatisme, héritage pour l’avenir

Les progressistes progressent, les conservateurs conservent… et les fonctionnaires fonctionnent ! Quoi de mieux qu’un Dictionnaire du conservatisme pour y serrer tout ce qui constitue un fonds commun et donc un héritage pour l’avenir selon l’expression de R. Scruton ? Et surtout quoi de mieux que cette forme pour décrire un univers foisonnant, complexe et dynamique, où les concepts se télescopent, où les personnalités s’opposent, où les interprétations se complètent ? Entre la Contre-Révolution et le catholicisme social au XIXe siècle, entre Chesterton et Churchill, entre la Droite et la Gauche, entre Michéa et Maurras, combien de points communs et combien de divergences ? Comme le dit l’introduction, « le conservatisme apparaît multiple, incertain dans ses principes, mouvant dans ses frontières, ambigu et souvent confus ». Il suffit de regarder, dans l’index rerum, le grand nombre d’occurrences concernant l’“Église”, l’“État” et l’“Europe” pour se convaincre que rien n’est simplement évident. Une phrase résume tout le sens de ce livre : « Si le conservatisme, à le supposer défini, est méfiant à l’égard de la démocratie, celle-ci, à la supposer univoque, n’a aucun problème avec le conservatisme. Ce qui a au moins une conséquence : si la démocratie n’implique pas le conservatisme, elle ne l’exclut pas davantage et peut même le produire, peut-être plus sûrement que tout autre régime politique » (F. Rouvillois, article “Démocratie”).

Voilà qui pose l’ambition de ce dictionnaire. Révéler ce qui sécrète le conservatisme, définir moins ce qui est à conserver que les critères permettant de déterminer, au fil des siècles, et pour les jours à venir, ce qu’il est bon de garder. Chaque grand conservateur en son temps devient une vigie, de Raymond Aron à Hippolyte Taine, de Michael Oakeshott à Kipling ; on est aussi heureux de croiser Olivier de Serres, mort en 1619, et saint Jean-Paul II. Chaque sujet, antique ou contemporain, est l’occasion de mesurer que le conservatisme ne paraît incertain, confus et mouvant qu’à proportion qu’il essaye de s’adapter au terrain, d’être vrai, de tenir compte du « réel », en un mot – et c’est peut-être le seul mot dont on peut regretter l’absence ! Décroissance, Féminisme, Langue, Violence, voilà de nouveaux terrains où le conservatisme peut et doit s’exprimer. Il se révèle comme un grand principe de discernement. C’est peut-être forcer le projet des auteurs, mais comment ne pas voir dans ce dictionnaire l’aboutissement de cette démarche si maurrassienne de « l’empirisme organisateur », d’une part, et, d’autre part, l’application de ce principe maurrassien essentiel à qui ne veut pas verser dans l’idéologie, « la véritable tradition est critique ».

On peut alors se lancer librement et même se perdre un peu au fil des pages : les deux cents notices ont le double mérite d’être toutes passionnantes et brèves. De toutes façons, on y goûte à chaque page la riche variété du conservatisme, ce « traditionalisme qui s’actualise » (J.-P. Vincent). Il est permis de considérer que les formes sociales peuvent s’adapter pourvu que la nature humaine soit respectée ; c’est le gouvernement qui doit être juste, pas sa forme qui doit être idéale. Conserver, c’est déjà beaucoup.

Philippe Mesnard

Le dictionnaire du conservatisme, sous la direction de Christophe Boutin, Frédéric Rouvillois et Olivier Dard. Le Cerf, Collection Idées, 2017, 1072 pages, 30 €

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