Sabine Hossenfelder, physicienne et théoricienne spécialisée en gravité quantique, sait à quel point la physique peut servir de tremplin à toutes les spéculations métaphysiques, depuis le scientifique athée qui nie l’existence de Dieu – d’un principe premier – jusqu’au croyant qui trouve dans l’agencement mathématique du réel la preuve d’une intelligence supérieure. Avec des chapitres comme « Le libre arbitre est-il banni par la physique ? » (oui) ou « Quel est le but ultime au juste ? » (on ne sait pas), on comprend assez vite que l’auteur est plutôt agnostique farouche, voire militante, mais l’intérêt n’est pas là : voilà une présentation exigeante mais accessible de la science physique contemporaine, avec tous ses mystères (matière noire et multivers) qu’on n’aborde pas si souvent et auxquels, le plus souvent, on ne comprend rien. Ne nions pas, cependant, que l’hypothèse Dieu est régulièrement délégitimée comme étant inutile, quand bien même aucun athée féroce ne s’exprime. Ce qui prouve bien qu’on a aussi besoin de vraie métaphysique. Derrière les théories les plus séduisantes ou les plus rebutantes, elle débusque les arrière-pensées plus ou moins explicites de leurs auteurs et de leurs promoteurs. Certains passages sont irritants par un scientisme étroit, mais comment reprocher à une physicienne de tout rabattre sur le plan physique, surtout lorsqu’elle explique que c’est sa méthode ? En fait, elle redit inlassablement à quel point il est nécessaire d’observer le réel – et pas d’échafauder les théories les plus séduisantes, même si elles ont l’étrange beauté des purs objets conceptuels.

Sabine Hossenfelder, Physique existentielle. Les Belles Lettres, 2025, 320 p., 23 €