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Clint Eastwood ne renonce jamais !

Connu et reconnu par le public international depuis plus de soixante ans, grâce aux westerns italiens de Sergio Leone dont il a interprété le personnage principal avec une grande efficacité (Pour une poignée de dollars, Et pour quelques dollars de plus, Le Bon, la Brute et le Truand) dans les années 60, ainsi que pour le rôle sur mesure de L’Inspecteur Harry au début des années 70, Clint Eastwood s’est caractérisé par une carrière cinématographique plus originale que l’on ne pourrait le penser. Itinéraire cinéphilique de celui qui vient d’avoir quatre-vingt-quinze ans le 31 mai dernier.

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Clint Eastwood ne renonce jamais !

Né le 31 mai 1930 à San Francisco dans une famille modeste qui s’occupe peu de lui, Clint Eastwood est fils unique. Élevé par sa grand-mère, voyageant beaucoup et exerçant tous les métiers pour une poignée de dollars, il finit par devenir musicien de jazz. Puis, échappant de justesse à la guerre de Corée, il donne des cours de natation à la base militaire de Fort Ord. Après le service militaire, il est sélectionné par la Universal pour composer des rôles mineurs dans quelques séries B. Mais, grâce à CBS et au western télévisé Rawhide (1959-1966), il se fait connaître du grand public.

L’ayant remarqué dans la série Rawhide, Sergio Leone demande à Clint Eastwood d’interpréter le premier rôle dans son western italien, Pour une poignée de dollars (1964). Eastwood accepte et tourne dans le film qui remporte un beau succès. Cette réussite convainc l’acteur de reprendre du service dans deux autres westerns leoniens, Et pour quelques dollars de plus (1965), avec Lee Van Cleef, et Le Bon, la Brute et le Truand (1966), Eli Wallach s’ajoutant à la distribution. Portant son traditionnel chapeau plus ou moins sale, barbu ou mal rasé selon les cas, fumant son cigarillo et revêtu de son pancho habituel, Clint Eastwood incarne un fameux chasseur de primes gravé dans toutes les mémoires de cinéphiles.

Harry ou l’anarchiste de droite

1968 : retour au western américain avec Pendez-les haut et court de Ted Post. Mais, c’est l’année 1971 qui marque un nouveau tournant pour lui puisqu’il y tient le rôle désormais incontournable de L’Inspecteur Harry de Don Siegel (1971) qui connaîtra quatre opus honorable suivants, hormis le cinquième d’une insondable médiocrité.

Au début des années 1970, alors que la criminalité a considérablement augmenté aux États-Unis, les méthodes expéditives de l’inspecteur Callahan réjouissent les spectateurs, tandis qu’elles recueillent les foudres des milieux de gauche. Flic « anarcho-réac », Harry ne correspond pas à leurs critères bien-pensants dont ils s’estiment les uniques dépositaires ! Il fait son métier en professionnel expérimenté et ne peut que révolvériser les tueurs en série, mais aussi mépriser l’establishment politico-médiatique et l’administration policière, jamais présentes sur le terrain. On retrouve cette vision anticonformiste dans deux polars à l’espionnite aiguë, L’épreuve de force (1977), très réussi, et Les Pleins pouvoirs (1996), en demi-teinte, qu’il mettra en scène.

Mystic River

Entre-temps est sorti Un Frisson dans la nuit (1971), premier film où Clint Eastwood cumule la double casquette de réalisateur et d’acteur. Un polar angoissant sur le harcèlement qu’exerce une femme amoureuse à l’égard d’un disc-jockey. Quant à ses westerns héroïques, où il incarne le personnage d’un justicier ou d’un sauveur, ils lui valent des récriminations émanant des habituels critiques de la gauche humanitaro-progressiste assise sur son cul pour rendre compte des films. En France, par exemple, L’Homme des hautes plaines (1972) est considéré comme un film qui fait l’« apologie du fascisme » (La Revue du cinéma), voire même comme diffusant une « idéologie typiquement nazie » (Témoignage chrétien). Josey Wales, hors la loi (1976) ou Pale Rider (1985), sans susciter la même vindicte, rencontrent tout de même une certaine méfiance de la part de l’intelligentsia. Pourtant le premier est assurément un chef-d’œuvre étrange et glaçant à la violence retenue et à l’onirisme contenu. Fascinant !

Cow-boy viril et désenchanté, homme sans nom ou inspecteur/justicier faisant respecter la loi, quitte parfois à la transgresser et à se faire mal voir de ses supérieurs, Clint Eastwood représente l’archétype du héros solitaire et distant que la police du cinéma voue aux gémonies. Identifié comme une figure détestablement réactionnaire, il se sent obligé au début des années 90 de mettre de l’eau dans son vin. Il tourne ainsi, Chasseur blanc, Cœur noir (1990), film ennuyeux, démagogique et pesant. À signaler aussi dans une veine approchante, Jugé Coupable (1999), réquisitoire contre la peine de mort et le racisme. Heureusement, un bon polar comme Dans la ligne de Mire (1993), de Wolfgang Petersen avec John Malkovitch et la belle René Russo, ou un intense drame amoureux, Sur la route de Madison (1995) avec Meryl Streep, rachètent certaines de ses productions cinématographiques.

Quatrième film après Breezy (1973), Bird (1988) et Minuit dans le jardin du bien et du mal (1997), Mystic River (2003), dont il est le metteur en scène sans être l’acteur, renoue avec le pur style de Clint Eastwood des années 70. Il s’agit d’une enquête policière réunissant Sean Penn, Tim Robbins et Kevin Bacon. Interprétant le rôle de trois amis dissemblables, Jimmy, Dave et Sean croient être libérés d’un atroce souvenir survenu lors de leur enfance – surtout pour l’un d’entre eux – mais s’y retrouvent confrontés à l’âge adulte. Un événement qui se rappelle à eux comme une manifestation cauchemardesque croissante. Pessimiste, violent et crépusculaire !

Apprécié par les critiques cinéphiles et un grand nombre de spectateurs, Million dollar baby (2005) obtient quatre Oscars dont celui du meilleur film. Metteur en scène et acteur, Clint Eastwood renoue avec le politiquement correct en validant notamment l’euthanasie… Quant à l’héroïne principale, une boxeuse entraînée par Clint Eastwood avec lequel elle connaît une relation tendue, nous avouons ne pas avoir été sensible à son absence de féminité et son esprit compétitif qui en est le corollaire.

Gran Torino

Après un bon suspense incendiaire, L’échange, de Clint Eastwood (2008) lui-même avec Angélina Jolie et John Malkovich, le metteur en scène tourne la même année son chef d’œuvre, Gran Torino, qui « clôt » sa filmographie qui ne connaîtra plus que des films où l’où on n’identifie plus sa patte sans pour autant gagner en qualité artistique, scénaristique et cinématographique. Gran Torino, donc, est le film où tous les ingrédients humains, typologiques, archétypales incarnent les valeurs de droite, d’abord retournées, puis exemplaires. Son héros principal, Walt Kowalski, raciste, misanthrope, antichrétien révolté – également par son attitude durant la guerre de Corée – retrouve le chemin de la rédemption grâce à une communauté hmong qu’il aide et qui le lui rend bien par de multiples cadeaux. Walt s’éprend de Thao qu’il va initier à la vie de tous les jours. À être un homme à qui le sens de l’honneur veut encore dire quelque chose ! En échange, cette communauté traditionnelle hmong et lui, patriote un peu étroit, mais fier de ses origines américaines, vont combattre l’anomie, la délinquance et la décadence émanant des gangs hybrides faisant régner la terreur dans leur village. La bourgeoisie médiocre, avide et des plus creuses qui soient, représentée par les enfants de Walt, ne peut que faire rire le spectateur, tant l’American Way of Life représenté par les business man ressemble à une caricature abyssale du néant : ils sont vides, cupides et insipides.

Un film christique

Grand Torino est un film sobre et sombre à la fois, émouvant, tragique, rédempteur. Le curé catholique qui a accepté – auprès de la défunte femme de Walt – la mission de confesser le bourru réfractaire échoue jusqu’au jour où le lieu fait lien et où son voisinage s’avère providentiel. Mais, très vite, une jeune hmong est défigurée et laissée quasiment pour morte. Alors, Walt reprend son flingue, va se confesser rapidement à l’église auprès du prêtre, qui l’enjoint de n’exercer aucune vengeance. Walt, alors, se poste en face de la maison où se trouvent les voyous, pointe son doigt allongé en leur direction, puis refait le même geste avec ce qui pourrait être sa vraie arme. Walt est alors descendu par le gang en récitant à voix basse le début de la prière mariale : « Je vous salue Marie, pleine de grâce… ». Sacrifice christique ! Walt a fait mine de tirer sur les zombies pour qu’ils l’exécutent afin qu’ils soient arrêtés par la police, mis en prison (ou plus) et ne plus faire le mal autour d’eux. Quant à la Grand Torino, la voiture ancienne de collection de Walt, elle revient à Thao comme il est stipulé dans le testament.

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