Civilisation

Être juif à Varsovie en 42-43
Cet énorme volume est une somme, l’ouvrage d’une vie, la justification obsédée d’un survivant se battant sans cesse pour que sa survie ait un sens.
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Quand on boit, on savoure. Quand on savoure, on tente de comprendre notre plaisir. Quand on tente de comprendre, on apprend, car « recevoir, c’est être disposé à saisir, à connaître. »
Recevoir le verre qu’on vous tend ou celui qu’on s’est versé, le vin qu’on veut vous faire découvrir ou celui qu’on croyait connaître. Brice de Beaudrap empoigne le verre et le lecteur aux premiers chapitres de ce court traité sur la saveur du savoir où il dresse un parallèle constant entre déguster un verre de vin et découvrir les arcanes de la pensée : qu’est-ce que sentir, qu’est-ce que comprendre, comment marche la mémoire, en quoi augmente-t-elle la sensation, comment le fait d’avoir décelé un goût de poivron vert devient une évidence sensible qui décuple le goût et nous sort du brouillard de la sensation (magie du mot juste posé sur ce goût !). On pourrait multiplier les exemples sans épuiser le charme de ces courts chapitres, toujours terminés par de longues – mais pas trop – citations d’Aristote et saint Thomas d’Aquin. Le chapitre sur les étiquettes qu’on récite sans les comprendre, nommant des cépages qu’on ne connaît pas, mimant une vraie science que nous ne possédons pas (mais attendez les chapitres suivant) est si juste qu’on s’en enchante, heureux de partager avec l’auteur, un temps seulement ! cette absurde vanité du faux cognoisseur. Faire du vin la métaphore de la connaissance, intellectuelle et spirituelle, c’est d’abord être attentif à tout l’univers du vin, de la vigne au verre et à la chanson en passant par les chais et les tonneaux ; en s’interrogeant sur ce qu’a voulu créer le vigneron, on finit par s’interroger sur le Créateur et nous-même, jus fermentant bien lentement avant de révéler, espère-t-on, quelques saveurs.