Benoît Roch a décidé de mettre ses pas dans ceux de Chesterton en inventant un franciscain détective qui œuvre dans le Pays d’Auge.
Comme son modèle, le Père Brown (que Gramsci appréciait), le père Brun démêle l’écheveau des vies en même temps que la pelote du crime. Il ne le fait pas dans une série de nouvelles mais dans un roman assez bref à qui on souhaite de nombreuses suites. Une enquête du père Brun profite de la longueur pour s’éloigner de son modèle car Benoît Roch, sans doute pressé de tout dire, distille une bonne dose d’apologétique au hasard de l’enquête, menée par le beau lieutenant Amandine Lemercier, qui s’y connaît autant en bondieuseries qu’un macroniste en éthique : son ignorance involontaire et ses préjugés de Français moyen permettent au père Brun de remettre les pendules à l’heure : culture religieuse, protestantisme, Big Bang, culte des saints et de Huysmans, dégustation de chartreuse et chasteté, érudition culinaire et pèlerinages, Amandine déguste, et nous avec elle, quelques siècles d’érudition et deux ou trois formules définitives sur les mérites de l’Église. Quant à l’enquête, elle suit son cours et resurgit parfois, le temps d’un petit galop en commun, l’auteur parsemant ses pages de quelques mots rares qu’il a dû cueillir dans ses lectures avec le même soin que le père Brun célèbre la messe. L’ouvrage pèche parfois par le désir de tout dire mais tout cela est assez allègre pour que le défaut ne gâche pas le plaisir.
Benoît Roch, Une enquête du père Brun. BoD, 2024, 196 p., 9,50 €