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Apaiser la terreur

« Les idéologues avaient oublié que certains concepts ne meurent pas sous l’effet du vote majoritaire invoqué par un gouvernement progressiste. Leur résistance peut se révéler étonnamment tenace quand l’identité la plus profonde et la plus glorieuse d’un peuple est concerné. Effacer toutes les traces de l’ancien pacte de France avec le Dieu chrétien ne devait pas se révéler un but aisé à atteindre. Aussi longtemps qu’un Français mourrait encore pour témoigner de son lien personnel avec le Dieu de ses pères, le gouvernement resterait impuissant à annihiler l’ancien pacte. »

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Apaiser la terreur

Guillotinées sous la Terreur pour sédition et fanatisme, seize carmélites de Compiègne ont été béatifiées en 1906 par Pie X. À la demande des Évêques de France et de l’Ordre des carmes déchaux, le pape François a autorisé au début du mois de février 2022 l’ouverture de leur procès en canonisation par équipollence (sans nécessité de miracles), et le 18 décembre 2024 fut signé le décret de canonisation. Il y a quelques jours, le 13 septembre 2025 exactement, fut célébrée une messe d’action de grâce à Notre-Dame de Paris par Mgr Ulrich suivie d’une procession jusqu’au cimetière de Picpus où leurs restes reposent. Une occasion exceptionnelle de se plonger dans ce petit bijou littéraire, historique et spirituel de William Bush, chrétien orthodoxe et spécialiste de Bernanos, qui opère un réel travail historique sur le sujet.

Les carmélites de Compiègne sont connues du grand public essentiellement à travers des œuvres telles que la nouvelle de Gertrud von Le Fort, La Dernière à l’échafaud, ou Dialogues des Carmélites, texte de Bernanos, qui a servi de scénario au film de Ph. Agostini et du P. Bruckberger, et dont Albert Béguin a tiré une pièce et Poulenc un opéra. Aussi magnifiques et émouvantes que soient ces représentations artistiques du martyre des carmélites, et qui nous éclairent certes sur le génie créateur de leur auteur, il n’en demeure pas moins que la réalité historique en pâtit un peu, et pour qui veut comprendre et vivre de l’intérieur ce que fut la réalité des Carmélites en pleine Révolution française, ce livre est un essentiel.

En septembre les carmélites sont expulsées de Compiègne

Nos seize religieuses formaient une même communauté à Compiègne comprenant une vingtaine de membres, appartenant à l’ordre du Carmel. À Compiègne, les carmélites bénéficiaient d’un lien particulier avec la maison Royale en raison de la Princesse Louise-Marie de France, en religion Sœur Thérèse de Saint Augustin, dixième et dernier enfant de Louis XV qui était elle-même entrée chez les carmélites de Saint-Denis à 33 ans et qui n’hésita pas à prendre sous sa protection certaines jeunes filles qui lui étaient présentées, notamment en sollicitant sa nièce Marie-Antoinette pour leur procurer des dots quand elles étaient impécunieuses.

Il faut se souvenir qu’en pleine période révolutionnaire, un ensemble de décisions visa particulièrement les communautés religieuses. En avril 1790, tous les biens de l’Église furent confisqués au profit de l’État. En juillet de la même année, fut votée une Constitution civile du Clergé qui, condamnée par le Pape quelques mois plus tard, entraîna une fracture entre le clergé dit constitutionnel et les réfractaires (les non jureurs), ceux qui refusèrent de prêter le serment civil. En août 1792, un décret décida de la fermeture de tous les monastères féminins et l’incarcération au Temple de toute la toute la famille royale. En septembre les carmélites sont expulsées de Compiègne et condamnées à vivre en appartement en petits groupes, séparées, revêtues d’habits civils.

Elles avaient entre 29 et 78 ans

C’est dans cette période particulièrement violente pour les réfractaires que la mère supérieure (Mère Lidoine, en religion Sœur Thérèse de Saint Augustin en hommage à la maison royale) décida de présenter à sa communauté ce qu’elle ressentait comme un appel profond : suivre l’Agneau immolé en s’offrant en holocauste (au sens de sacrifice total) en vue de restaurer la paix de la France et de l’Église. Dans la lignée de sainte Thérèse d’Avila qui avait réformé leur ordre pour sauver le royaume de France, Mère Lidoine envisageait un acte communautaire consistant à réciter chaque jour un acte de consécration dont le sacrifice ultime pouvait aller jusqu’à donner sa vie en offrande avec et pour le Christ, pour lutter contre l’anéantissement de l’Église en France et la restauration de la paix.

Le 21 janvier 1793, le roi Louis XVI est guillotiné, puis Marie-Antoinette le 16 octobre de la même année. C’est le début de la période qu’on appellera la Terreur. Le 22 juin 1794, les carmélites sont arrêtées pour, selon l’acte d’accusation, poursuite de la vie communautaire et fidélité à la monarchie, puis transférées à Paris à la Conciergerie le 12 juillet. Le 16 juillet, jour de la fête de Notre-Dame du Mont Carmel, elles apprennent que leur procès se tiendra le lendemain. Jugées dans la même salle où se tint quelques mois plus tôt le procès de Marie-Antoinette, elles sont condamnées à mort comme ennemies du peuple, au même titre que 54 autres prisonniers. Le soir même, la sentence est exécutée : elles seront toutes les seize guillotinées place de la Nation et leurs corps entassés dans la fosse commune du cimetière de Picpus : elles avaient entre 29 et 78 ans.

Quelques jours plus tard, ce fut la chute de Robespierre et la fin de la Terreur. Il faudra plus de deux siècles avant qu’elles soient canonisées, mais c’est aussi souligner combien elles sont actuelles en tant que figure de spiritualité. Comme martyres, elles incarnent la vocation chrétienne et la suite du Christ dans sa radicalité. Comme communauté, elles sont une expression lumineuse du « petit collège du Christ », cette fidélité quotidienne telle que le concevait Thérèse d’Avila. En tant que femmes assassinées par le nouvel ordre en place, elles témoignent aussi de la force de la résistance face à l’oppression et l’injustice.

 

William Bush, Apaiser la terreur, Éditions Clovis, 2021, 244 p., 20,80 €

 

 


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