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En marge de la brouille Trump-Macron : un genre trop méconnu ici, le western antifrançais…

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En marge de la brouille Trump-Macron : un genre trop méconnu ici, le western antifrançais…

La récente polémique twitteuse entre Trump et Macron rappelle une évidence et une constance quelque peu oubliées depuis le départ de De Gaulle : à savoir que les Français aiment – ou aimaient naguère – d’avantage les Américains qu’ils n’étaient aimés d’eux. En effet, les Français pensent encore qu’ayant aidé les Américains à obtenir leur indépendance, et partageant historiquement le même ADN de la démocratie, des droits de l’Homme et toutes ces choses, eh bien les Américains les considèrent comme des frères ou au moins des cousins proches – qu’ils ont d’ailleurs libérés, “pour la beauté du geste”, vers 1944…

LES MÉCHANTS DU FILM…

Les Français se plantent. Les Américains préfèrent, malgré le contentieux de la guerre d’Indépendance, les Anglais, leurs vrais cousins de cœur. Ce qu’ils pensent de nous quand ils y pensent ? Mis à part certain récent French Bashing médiatisé, on en a un éclairage intéressant via ce produit culturel américain par excellence qu’est le western. L’expédition du Mexique, initiée par Napoléon III de 1862 à 1867, et l’expérience parallèle (1864/1867) de l’empereur Maximilien ont nourri en effet une assez riche veine hollywoodienne anti-française.

Ça commence avec le Juarez de William Dieterle (1939), relativement indulgent pour Maximilien, mais très hostile à Bazaine et aux soldats français. Et la Deuxième Guerre mondiale, le plan Marshall, l’OTAN ne changent pas le regard des scénaristes américains. En 1954, Vera Cruz de Robert Aldrich, avec Gary Cooper et Burt Lancaster, va servir de référent historique et scénaristique sur le sujet, avec des Français guère moins méchants que les Allemands. La séquence finale de ce (bon) western – qui annonce par ses personnages sales et méchants le western spaghetti à venir et qui était très apprécié de François Truffaut – voit la prise de la ville portuaire de Vera Cruz par les juaristes, aidés par les gringos et aventuriers Lancaster et Cooper, les méchants du film étant bien sûr les soldats de Maximilien commandés par deux Frenchies, le cruel capitaine Danette – sorte de Prussien français au physique comme au mental – et le fourbe marquis de Labordère, proche ami de l’empereur Maximilien, lui-même présenté comme un imposteur très européen que le film oppose à un peuple autochtone, misérable et unanimement juariste – une inexactitude historique très prisée des scénaristes hollywoodiens. On aura compris que Vera Cruz est complètement anti-historique. Déjà, il n’y a pas eu de bataille de Vera Cruz telle que le film la met en scène, ce port sur l’Atlantique n’étant entré dans cette histoire-là que comme lieu de débarquement des Français en 1862, puis de Maximilien et de son épouse le 28 mai 1864. Notons toutefois quelques détails véridiques et pointus comme les spectaculaires gardes palatins de Maximilien, bien reconstitués avec leur casque sommé d’un aigle et leur tunique rouge – et cependant à la présence incongrue dans la bataille finale.

HEROIC FANTASY

La charge antifrançaise – et anti-historique – continue avec Major Dundee de Sam Peckinpah (1965), avec Charlton Heston, Richard Harris et James Coburn, où Sudistes et Nordistes se réconcilient contre les méchants soldats français, au cours d’une sanglante bataille (complètement imaginaire) contre les lanciers de Napoléon III. Même topo avec Les Géants de l’Ouest (Andrew McLaglen 1969), où le yankee John Wayne et le rebel Rock Hudson font cause commune contre nos chasseurs d’Afrique. Don Siegel en remet une couche avec son Sierra torride (1970) où Clint Eastwood aide les juaristes à s’emparer d’un fort français.

Sierra torride (1970), le preux aventurier sauve des Français une religieuse qui n’en est pas une.

Pourquoi tant de haine ? Sans doute à cause de la doctrine de Monroe, qui veut donner aux États-Unis l’exclusivité de l’influence sur l’Amérique, même latine. À cause aussi de cette bonne conscience américaine qui se voit en émancipatrice des peuples colonisés par les Européens : il y a aussi des films anti-espagnols (à propos de Cuba). Et tant pis si la colonisation américaine de l’Amérique latine, via l’économie et la diplomatie de la canonnière, n’a guère été moins dure, si elle est moins voyante, que celle des Européens. Il ne faut jamais oublier que la grande majorité des Américains, à Hollywood et ailleurs, se croient supérieurs à ces pauvres Français, corrompus, ivrognes et légers comme leurs femmes…

Tout ça n’empêche pas les films évoqués d’être plutôt bons techniquement. Mais, il faut le répéter, toutes ces bagarres rangées westerniennes entre Français et soldats ou bandits américains sont anti-historiques, même si après la fin de la guerre de Sécession, pas mal d’aventuriers et de démobilisés sont venus étoffer les rangs des républicains mexicains : à un plus haut niveau, il est vrai que Washington a ravitaillé les rebelles et massé des troupes sur le Rio Grande. Et il y eut même un unique affrontement (très limité) entre Français (et leurs alliés autrichiens) et une troupe de juaristes appuyée par des unités noires américaines près de Matamoros, sur le fleuve-frontière, en janvier 1866, le général américain du secteur repliant très vite ses hommes. Pas plus, pas moins…
De son côté, Napoléon III avait sérieusement pensé à reconnaître le gouvernement sudiste : si le général Lee avait gagné à Gettysburg, aurions-nous eu droit aux mêmes westerns ?

Par Pierre Robin

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