Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
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Le sociologue Jean-Pierre Le Goff – auteur notamment de Malaise dans la Démocratie (Stock, 2016), qui révélait un regard lucide sur les contradictions de la démocratie moderne – nous livre un témoignage de premier plan sur les préoccupations et l’environnement culturel d’un adolescent normand d’une famille catholique « ordinaire » dans les années 60. Son titre évoque « Le monde d’hier » de Stefan Zweig. Mais si celui-ci s’achevait sur la Grande Guerre, lui trouve son épilogue dans ce qu’il appelle « la révolution adolescente » de mai 68, encore qu’il se refuse à y voir un mythe fondateur : « L’adolescence, écrit-il, n’a qu’un temps, contrairement à ce que veut faire croire la société moderne.» Un point sur lequel on se gardera de lui donner tort. Dans un style sans éclat particulier, mais écrit à la première personne d’une manière claire et directe, ce livre trouve l’essentiel de son intérêt dans l’évocation détaillée de l’évolution d’un garçon des environs de Cherbourg confronté à ses parents, à ses professeurs, aux prêtres de son entourage, à ses camarades, aux filles… Et aussi à la découverte des livres, de la poésie, du cinéma, des chanteurs français et des groupes anglo-saxons de l’époque. Il le décrit également confronté aux transformations de la France des « Trente Glorieuses » et à la modernité qui s’avance. Le Goff fait peu de part à la nostalgie, et se montre très critique à l’égard d’une société très conventionnelle non dénuée de petites et grandes hypocrisies. Dans ces observations critiques, cependant, on n’est pas toujours sûr de discerner si c’est l’adulte qui s’exprime ou si le sociologue laisse parler le jeune homme qu’il fut, sans porter de jugement. Une ambiguité qui, finalement, ne compte pas pour rien dans le charme qui se dégage de l’ouvrage. Mais sa construction en trois parties principales, dont la dernière s’intitule Malaise et contestation, ne laisse pas de doute sur les intentions de l’auteur. C’est un « Je me souviens » à la manière de Pérec qu’il nous offre, non sans une certaine tendresse, en jouant des plaisirs du souvenir auxquels les lecteurs de sa génération seront sensibles. Mais le sociologue est à l’œuvre, et son scalpel, mesuré et précis, sait où il va, même si on n’en approuvera pas toutes les dissections. n Ch. T.
Bernard Lugan, responsable de l’AF à Nanterre en Mai 68, raconte avec gourmandise ses bagarres. C’est un festival de dégelées et de mots rares, un catalogue complet d’attitudes, une mine pour militants romantiques, un recueil pour les veillées de feux de camp. Les cornouillers s’abattent sur des nuées de gauchistes défaits, les bons mots fusent, les policiers sont mystifiés, et de mystérieuses escapades au cœur du vieux pays font surgir nobles en leggings, imprimeries clandestines, bouteilles ineffables, fantômes chouans et cavaliers émérites… Pas un jeune militant d’AF qui ne bavera d’envie au récit des bagarres homériques de ces temps mythiques où la rue appartenait déjà à ceux qui y descendaient. Bernard Lugan vient de transcender la littérature scoute en lui offrant une manière de « Prince Éric camelot du Roi » inattendu, rapide, plaisant et léger. Philippe Ménard