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Françafrique ?

Le président Macron a fait un déplacement en Afrique fin novembre sur trois jours, puis, le 6 décembre, en Algérie, juste avant de s’envoler pour le Quatar engranger quelques milliards de commandes militaires. Partout, il s’est senti très à l’aise. En Afrique il s’est permis de longs discours sous forme de cours aux étudiants et de leçons aux chefs d’État.

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Françafrique ?

Silencieux et impassible, le vieux sage se lève et quitte la salle. « Il est parti réparer la clim », s’esclaffe devant un parterre d’étudiants africains le jeune cuistre que les puissances d’argent ont mis à l’Élysée. La présidence du Burkina Faso expliquera plus tard courtoisement qu’il était parti faire pipi, une « pause technique », et que la conférence était très bien. Prostate ou agacement présidentiel, nul ne saura, mais il est facile d’imaginer l’irritation du chef de l’État burkinabé, Roch Marc Kaboré, devant tant de mépris et si peu de vision pour l’Afrique. Un discours plat, convenu, parfois blessant, mais sans rien du souffle qu’une jeunesse africaine francophone était en droit d’attendre. Car il faut bien comprendre que la prétendue politique africaine de Macron n’est cogitée qu’à l’Élysée, comme tout le reste de sa politique, avec ses conseillers, tous de la même eau et de la même formation que lui, sans aucune véritable expérience : Franck Paris, son conseiller spécial Afrique, Philippe Étienne, son conseiller diplomatique et toute une petite bande qui croit pouvoir réinventer le monde sans tenir compte de l’histoire. Le président ne s’était préparé à ses déplacements qu’avec ce Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA), dans la volonté expresse de rompre avec tous les antécédents. C’est chez lui une habitude de pensée. Ce qui explique tous ses propos et ses répliques plus ou moins pertinentes, d’où il résulte que la France, en tant que telle, n’a plus rien à voir avec l’Afrique et que toutes les questions d’avenir ne sont plus que d’ordre économique qui doivent se traiter au seul niveau critique européen. Tel est Macron. Le même partout !

L’histoire annulée

Tout y passe, à commencer par la névrose obsessionnelle de la colonisation : « un acte de barbarie, … des crimes indiscutables,… dont on doit présenter ses excuses », assène Macron qui imagine par là avoir une habile « captatio benevolentiae ». C’est raté ! N’est pas Cicéron qui veut – car il se pense orateur – et les Africains ne sont pas dupes de ce genre de propos : eux connaissent leur histoire. D’ailleurs, la semaine suivante, le journal algérien El Watan le relancera sur « le crime contre l’humanité » dont le président français croyait devoir taxer la guerre d’Algérie du seul côté français, dans le but aussi, très concret, d’obtenir les suffrages de nos enclaves musulmanes. Il persistera : « Je suis d’une génération de Français pour qui les crimes de la colonisation européenne sont incontestables » ; mais il ajoutera qu’il ne faut pas « nous enferrer dans ce passé ». Las, rien n’y fait : ses provocations inutiles en auront fait le sujet central de son passage à Alger alors que la succession de Bouteflika, qui pourrait embraser le Maghreb, et la traque islamiste aux confins du Hoggar devraient focaliser toute notre attention. L’Algérie est concrètement ruinée et la rente pétrolière a tellement baissé qu’elle ne suffit plus à compenser le désastre politique et économique que couvre de son ombre le fantôme de Bouteflika. Ce « jeunisme » de Macron qui prétend rompre avec le passé, ne change rien au poids de l’histoire qui se paye aujourd’hui.

Crise de jeunisme et repentance encore sur la Françafrique : « Un monde d’un autre temps, un monde de réseaux et de connivences, un monde du passé. C’est tout l’inverse du partenariat que j’ai proposé la semaine dernière à la jeunesse africaine » ! La ficelle est un peu grosse et Zemmour, malicieux, évoque cette Africafrance actuelle où finalement rien ne change. Quoi qu’il en soit, tous ces mensonges historiques sur fond de « meurtre du père » ne font qu’attiser la haine dans nos banlieues et au Sahel : autant de coups de poignard du chef des Armées dans le dos des soldats qu’il envoie au combat. S’en rend-t-il même compte ?

Encore à Ouagadougou, Macron, qui n’a pas engendré, impose son malthusianisme ringard et reproche en termes à peine voilés aux Africains de violer leurs femmes : elles auraient, explique-t-il, trop d’enfants contre leur gré. Mais enfin ! Qu’il s’occupe donc d’abord de traquer chez lui les prédateurs sexuels et jouisseurs sans entraves de mai 68, au lieu de célébrer le cinquantenaire de cette fausse fête de la liberté, et qu’il cesse d’injurier les pères de famille africains! Ils n’ont d’ailleurs que faire de ses recettes : l’égalité homme-femme, cheval de Troie, en fait, de la déconstruction familiale ; ou les moulins à vent importés d’Allemagne, « tarte à la crème » de l’énergie dite « renouvelable ». Les vieux sages de l’Afrique – et il y en a – pouvaient attendre autre chose d’un chef de l’État français.

Aucune vision

Il est vrai que le président n’a pas manqué de faire quelques remarques. Ses cinglantes réponses à d’impertinentes questions pourraient nous rasséréner : il est juste de souligner que les passeurs négriers de Libye ne sont ni français ni belges mais bien africains ; que nos soldats qui se battent pour pacifier le Sahel, méritent respect… Mais que d’agressivité, de suffisance dans l’adresse de Macron à ceux qui l’ont invité. Le ton n’est pas le bon, ni avec le président Kaboré, ni avec les étudiants burkinabé. Il trahit ce mépris voltairien, sournoisement raciste et foncièrement anti-chrétien des Lumières. La réalité pour Macron se réduit toujours à la richesse. Aux Africains de devenir riches et d’en prendre les moyens !

Aux antipodes de ces agitations, 70 ans plus tôt, l’archevêque de Dakar, un certain Marcel Lefebvre, délégué apostolique pour l’Afrique francophone, organisait à la demande de Pie XII l’africanisation de l’Église. Un jeune garçon restera marqué par la sainteté des Pères spiritains envoyés dans son village de Guinée. Devenu Cardinal Sarah et préfet de la Congrégation pour le culte divin, il est un des plus solides remparts contre les assauts furieux qui menacent l’Église aujourd’hui. Il n’est pas le seul à savoir ce dont l’Afrique a d’abord besoin. Macron ne comprend rien à ces enjeux.

De vision, il n’en est pas même question. « La politique africaine de la France n’existe plus », se vante Macron et il propose pour 2020 un nouveau traité entre l’Union européenne et l’Afrique. C’est son « truc » mis à toutes les sauces. Mais, Merkel a déjà fait comprendre qu’elle n’en voulait pas. Elle l’a dit à Berlin lors d’un sommet africain au printemps dernier, elle l’a redit à Abidjan lors du sommet Union africaine et Union européenne, devant Macron lui-même. Pour elle, c’est du donnant-donnant. L’Europe ne peut pas et ne veut pas se substituer à la France, sauf à l’aider un peu ou, plutôt, à faire semblant. Macron ne comprend rien à ces données fondamentales. Ce n’est pas qu’il ne croit plus en la Françafrique, c’est qu’il ne croit plus en la France historique.

Un chef de l’État français devrait parler fort et clair : la vérité est que l’Europe laisse l’armée française bien seule à garder son flanc Sud contre l’islamisation et le chaos migratoire. Alors que le solde net de notre contribution à l’Union européenne dépasse huit milliards d’euros, il suffirait d’un peu de lucidité et de courage politique pour en garder « un » pour nos armées et « un autre » pour un grand projet en Afrique francophone dont les peuples attendent d’une France fière de son œuvre civilisatrice autre chose que des leçons ou des repentances.

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