Recevez la lettre mensuelle de Politique Magazine

Fermer
Facebook Twitter Youtube

Article consultable sur https://politiquemagazine.fr

Gérard Dalongeville : « un système mafieux »

Facebook Twitter Email Imprimer

Gérard Dalongeville : « un système mafieux »

Maire d’Hénin-Beaumont de 2001 à 2009, Gérard Dalongeville a été démis de ses fonctions par décret présidentiel après la découverte d’une affaire de corruption locale. En février 2012, il publiait Rose mafia (éd. Jacob Duvernet), livre dans lequel il dévoile un système structurel de détournement de fonds publics par le parti socialiste dans la région du Pas-de-Calais.

Comment entre-t-on dans un système de corruption politique ?
J’ai commencé la politique assez jeune. A 22 ans, on me proposait déjà un poste dans l’une des Sociétés d’économie mixte (SEM) du Pas-de-Calais. C’était un emploi fictif. On ne se pose alors pas trop de questions. Puis j’ai monté les échelons au niveau local et j’ai été élu à la mairie d’Hénin-Beaumont grâce aux financements des quelques entreprises qui tournaient autour du responsable régional du parti socialiste. A la mairie, il y avait un coffre dont je n’avais pas la clef : il servait à cacher l’argent liquide des détournements. C’est ça qui m’a valu de faire huit mois de prison préventive. En prison, on m’a collé l’avocat du PS. On m’a dit de tenir bon. Le parti m’a proposé un emploi à la sortie. Et puis il y avait un engagement personnel de fidélité. A l’inverse, si vous racontez la vérité, tout le monde vous lâche. On vous attaque, on vous traite de menteur. J’en ai fait l’amère expérience. C’est un système mafieux.

Est-ce l’enrichissement personnel qui explique la corruption politique ou celle-ci n’est-elle qu’un effet secondaire des détournements destinés au parti ?
Quand j’étais à la mairie d’Hénin-Beaumont, j’ai compris que l’argent du coffre était celui du parti. En vérité, les responsables de la fédération socialiste en profitaient allègrement. Il est vrai néanmoins que l’argent détourné sert à un clientélisme effréné : on donne un emploi au membre d’une famille en difficulté, on offre la cotisation à tel militant, on organise de grands repas… On s’assure ainsi des soutiens.

Dans votre livre, vous soulignez le rôle de la franc-maçonnerie dans le système local de corruption. Quel est-il ?
La grande majorité des « frères » sont étrangers à cela. Mais, pour avoir été moi-même initié, j’ai vu que les loges sont l’un des moyens d’organiser les détournements. Nous sommes dans un contexte parallèle, qui réunit politiciens, entrepreneurs, ouvriers, juristes, policiers. C’est très enrichissant sur le plan humain, mais cela peut dériver en arrangements illicites. En effet, l’entraide entre « frères » est à la base du fonctionnement quotidien de la franc-maçonnerie. Peuvent donc s’y décider des contrats arrangés, s’échanger des informations confidentielles comme des rapports de police ou d’audition, etc.

François Hollande a décidé de « moraliser » la vie politique. Prend-il le bon chemin ?
François Hollande a été secrétaire national du PS pendant onze ans, et la fédération du Pas-de-Calais était l’un de ses principaux soutiens lors des primaires du parti. Soit il savait ce qui s’y passait soit il ne s’en est pas rendu compte, ce qui est assez grave dans les deux cas. Pour moraliser la vie politique, il faudrait tout d’abord supprimer les Sociétés d’économie mixte, ces fameuses structures où quelques entreprises siègent avec les élus au sein d’un conseil d’administration qui décide des grands travaux payés par la ville. Tant qu’il y aura des SEM, le système pourra continuer, y compris à Hénin-Beaumont. Son maire actuel a passé tous les contrats de la municipalité avec la même entreprise ces trois dernières années. C’est hallucinant.

Entretien tiré du numéro de septembre de Politique magazine.
Commandez le numéro complet et son dossier spécial corruption au prix exceptionnel de 5€ au lieu de 7€ !

Facebook Twitter Email Imprimer

Abonnez-vous Abonnement Faire un don

Articles liés