La bataille pour la mairie de Paris promet d’être sanglante. Est-ce sur le thème de la culture que les contrastes vont apparaître ? Possible. Il revient en tout cas à l’équipe d’Anne Hidalgo d’occuper la première ce terrain en publiant, sous la forme d’un livre électronique, « Oser Paris ». Ce texte abondamment illustré regroupe 150 propositions destinées non pas aux Parisiens mais à la candidate Anne Hidalgo, en vue de nourrir son futur programme.
«Oser Paris » est une association, pendant de l’équipe de campagne de la candidate socialiste. Ceux qui l’animent entendent « permettre à toutes celles et tous ceux, quels que soient leur âges, qu’ils soient Parisiens ou non, experts ou usagers, de participer à l’élaboration du projet pour 2014 qui dessinera le visage de notre ville pour les années à venir ». Aux yeux des socialistes, l’idéologie participative, propulsée par les technologies numériques, est la nouvelle frontière de la démocratie. Elle est tout entière exprimée dans cette « élaboration collective ». La foule intelligente s’exprime, supplée au peuple de Paris, dessaisit les experts, dessine l’avenir. La compilation des idées déposées sur un site Internet aux couleurs primaires et infantiles, est l’ultime expression de la démocratie avancée. Un livre électronique, qui n’est en rien le produit d’une pensée mais une liste générée – presque – automatiquement, marque cette dilution du fond dans la forme.
Les hommes derrière « Oser Paris » sont d’un profil rigoureusement attendu : intellectuels de gauche chantres de la démocratie numérique, ultimes survivants des industries culturelles recyclés dans la bureaucratie, ou purs produits de la technostructure. Nous tairons leurs noms.
Oser Paris fourmille d’illustration de komsomols béats, adeptes du pique-nique et du pantacourt. Le concept soviétique d’agroville, ville rurale, se trouve acclimaté en bord de Seine, les paysans en moins, les façades végétalisées en plus. La triple dictature du genre, de l’égalité, de la mixité, y triomphe paisiblement.
La rubrique « Culture » du site participatif a fait recette, comme celles dédiées aux « Grand projets de transformation urbaine » ou à la « Mixité sociale ». Pourtant la culture est au final le parent pauvre de l’opuscule Oser Paris. Significative manipulation.
A dessein la rubrique culture est regroupée avec le sport et les propositions combinées par binômes. Se marient ainsi, parmi 22 propositions, la création d’« un pass culture unique » et l’action visant à « valoriser [sic] les sports urbains et peu coûteux », la défense des librairies et l’extension des horaires d’ouverture des équipements sportifs, etc. La confluence précise et millimétrée entre culture et sport y culmine en apothéose avec la promotion de « la nuit festive parisienne à l’échelle internationale. »
Une haine affirmée du passé
On attendait le désir et c’est le désert. Seules idées saillantes, la multiplication des évènements festifs et éphémères, dans des directions inédites comme la « fête du périphérique », ou plus classiques avec « Paris folies d’hivers » consacré aux musiques du monde. Homo festivus pas mort, écrirait le regretté Philippe Murray. L’amnésie festive trouve son pendant dans une haine affirmée du passé, sacrifiant le patrimoine architectural sur l’autel d’un urbanisme soi-disant durable mais aux pulsions titanesques (tours, invasions végétales, collectivisation).
à l’évidence la culture ne figure plus au rang des priorités. Les socialistes la délaissent, avec ses institutions, ses acteurs et ses clientèles. Ainsi, au même titre que les classes populaires et leur vote, désormais sans intérêt aux yeux de la gauche (depuis un certain rapport de Terra Nova), voilà que la culture, désormais, n’intéresse plus Anne Hidalgo. Sa rivale saura-t-elle occuper ce terrain déserté ? Ou est-elle tributaire de la même idéologie ?
Article tiré du numéro de septembre de Politique magazine.
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