Parmi les questions touchant la dette, il en est une qui interroge sa soutenabilité. Au premier abord, cette question pourrait se limiter à la croissance exponentielle de la dette, qui en valeur absolue est plus lourde que jamais.
Environ 100 milliards d’euros à la fin du mandat de Giscard – en valeur constante, bien sûr, puisque nous étions encore au franc – contre 3.400 aujourd’hui. Il n’y a jamais eu de répit sur cette période, tout juste un très timide ralentissement de sa croissance entre 1995 et 2000. Voilà donc pour la valeur absolue de la dette. Mais son poids doit être évalué en valeur relative, en tenant compte des taux d’intérêt. Sous ce point de vue, l’année la plus difficile fut 1995, à la fin du gouvernement Balladur, quand elle pesait 6% du budget et 3,5% du PIB. La reprise de l’activité mondiale après 1995 a été une aubaine pour le coût de notre dette, en pourcentage aussi bien du budget que du PIB, parce que les taux avaient baissé : en 2020, il n’atteignait plus que 2,3% du budget et 1,5% du PIB. La gestion de la crise de la Covid a fait remonter ces taux à 3,8% du budget et 2% du PIB. Autrement dit, sur l’ensemble de la période que nous considérons depuis la fin des années Giscard, le poids de notre dette en est au niveau de celui qui était le nôtre en 1985. On voit donc qu’il n’y a pas encore matière à paniquer.
La solution est donc politique : si rien n’est fait de sérieux, la situation tournera à la banqueroute pure et simple, non pas sous la présidence de M. Macron, qui de ce point de vue peut rester tranquille, mais dans plusieurs années, aux alentours de 2032, sous la présidence qui lui succèdera. Il faut certes tenir compte également de l’éventuelle remontée des taux à mesure que la note de la France se dégradera, puisque nous ajoutons 1.000 milliards d’euros supplémentaires tous les cinq ans environ, et donc d’une banqueroute plus rapide ; mais enfin, la France reste fiable, elle aurait seulement besoin d’être bien conduite.
A l’évidence, la solution est entre les mains des chefs que les citoyens se donnent, mais un peuple qui naturellement ne connaît pas les paramètres que nous venons de rappeler, et se rend donc aux urnes sans savoir : sous l’emprise de notre démocratie, nous sommes au royaume de l’imaginaire où les émotions passent avant les données chiffrées.
Illustration : Edouard Balladur en 2013.
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