Notre ami Michel Michel est décédé le mardi 7 octobre. C’était une haute figure de la pensée politique et sociologique contemporaine.
La plus grande partie de sa carrière s’est déroulée à Grenoble. Il était maître de conférences à l’université des sciences sociales. Il s’était fait connaître pour ses travaux sur les rapports humains et les conflits dans les organismes de santé. D’une manière plus générale, il œuvrait sur la psychosociologie comme remède et même comme atout pour une plus juste et une meilleure gouvernance dans la direction – ou pour employer les appellations d’aujourd’hui, le « management » – des groupements humains et des entités politiques, économiques et sociales. Ce qui l’amena à traiter des questions de fond de politique générale, en particulier en France, en critiquant les systèmes en place qui reposent sur des principes abstraits, tous controuvés pratiquement, inefficaces par eux-mêmes et, surtout, stimulateurs de conflits perpétuels.
Avec Jean-François Thirion, il avait publié des études remarquées sur les institutions de santé et sur le nécessaire équilibre des ressources humaines. Il s’était penché pareillement sur les graves questions du communautarisme, publiant des séries d’études qu’il avait rassemblées sous le titre Les communautés, une question posée à la France (L’Âge d’homme).
Il ne cachait pas son « maurrassisme » fondamental. Ce mot ne convient pas en lui-même pour le définir, mais il correspond à l’étiquetage officiel si commode pour les raccourcis intellectuels. Michel Michel l’aurait récusé, comme d’ailleurs Maurras lui-même. En effet, il ne s’agit pas d’une théorie mais, au contraire, d’une pratique empirique d’analyse qui lie indissolublement la politique et la sociologie à la nature humaine et sociale. En quelque sorte, une anthropologie. Cet empirisme est organisateur selon l’expression de Maurras, reprise de Sainte-Beuve.
C’est ainsi que Michel Michel se situait d’abord dans la grande tradition des auteurs contre-révolutionnaires et dans la suite du puissant courant de pensée que suscita l’Action française à l’aube du XXe siècle sous la haute maîtrise de Charles Maurras.
Rien ne vaut la vérité révélée qui corrobore la droite raison
Michel Michel, dans ses années de jeunesse, a fréquenté les camps Maxime Real del Sarte de l’Action française. Sa femme Françoise également. Il militait à Grenoble, où il animait une section importante. Il pesa sur la vie locale par l’habileté de sa dialectique et la sûreté de son jugement. C’était avant que Grenoble ne devienne la ville impossible d’aujourd’hui.
Il maintint une ligne de fidélité à ses idées dans les différentes mouvances qui partagèrent le royalisme français. Il collabora jusqu’à ces derniers temps à la presse royaliste et à la réflexion nationale, à Je suis Français, le journal royaliste en ligne.
Son rayonnement dépassa les cercles proprement royalistes. Il s’intéressait en effet à la symbolique, à la tradition en tant que telle, vecteur de conciliation, aux mystères que l’humanité porte en quelque sorte naturellement dans son histoire générale comme dans ses histoires particulières. Il s’attacha singulièrement à René Guénon et à une certaine école ésotérique. Il collaborait à des revues comme Politica Hermetica. Ses amis d’autrefois trouvaient qu’il s’engageait même un peu trop. Il nous arrivait d’en parler avec la plus grande franchise.
C’était un homme extrêmement plaisant, affable, ouvert et curieux ; il était toujours et tout entier en recherche et en argumentation. Il était trop profondément catholique et maurassien – et qu’importe que choquent les deux mots accolés qui signifient bien ce qu’ils définissent – pour revenir en quoi que ce soit sur ses convictions véritables. Il les manifesta dans ses dernières publications. Le recours à la tradition (L’Harmattan) offre une réflexion de fond sur les ravages de la prétendue modernité dans le christianisme contemporain. Ah, si j’étais Pape (Les impertinents) d’une si jolie drôlerie qui résume sa pensée finale illustre à merveille ce que fut le combat de sa vie. Rien n’est pire que l’absurdité politique qui se couvre du voile religieux, rien ne vaut la vérité révélée qui corrobore la droite raison.
Après de longues années de pénibles maladies supportées vaillamment, il s’est éteint sereinement chez lui, muni des sacrements de l’Église, entouré de tous les siens, sa nombreuse famille où nous ne comptons que des amis. Que son épouse, tous ses enfants et petits-enfants de la famille Michel, des familles Vassal et Hadjadj reçoivent ici l’expression de nos sentiments de profonde sympathie.
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