Recevez la lettre mensuelle de Politique Magazine

Fermer
Facebook Twitter Youtube

Article consultable sur https://politiquemagazine.fr

Hambourg ou la fin de la prospérité verte

En forçant la ville à être verte, les écologistes la ruinent. Mais plus encore, ils font la richesse des grandes compagnies financières que cette rage vertueuse enrichit. Combien de temps l’imposture durera-t-elle ?

Facebook Twitter Email Imprimer

Hambourg ou la fin de la prospérité verte

Le 12 octobre dernier, en réponse à un référendum initié par quelques ONG écologistes, la partie « progressiste » de la population de la métropole hanséatique a voulu donner un « signal fort » de son engagement pour le climat mondial et a imposé à la cité-État d’atteindre la neutralité climatique déjà dès 2040 – cinq ans plus tôt que prévu par le plan national. Ainsi, la ville vient de signer son propre arrêt de mort ; une décision bizarre d’autant plus contestable que sa représentativité démocratique est assez douteuse, car la participation électorale avait été de 43,7 % seulement, et la majorité atteinte au sein de ces derniers de 53,2 % à peine, ce qui veut dire que seulement 23,2 % des citoyens ont explicitement voté en faveur de ce tournant radical affectant le Land entier.

Qu’est-ce que cette décision va impliquer ? Parlons d’abord des mesures envisagées : interdiction progressive des chaudières au gaz et au fioul, électrification forcée des transports publics et privés, mise en place de zones à émissions nulles, rénovation énergétique obligatoire de centaines de milliers de bâtiments, et surtout, une conversion climato-neutre du port et de ses industries qui sont, avec Brême, la porte d’entrée économique principale vers l’Allemagne. Pour les promoteurs du texte, il s’agit d’une victoire historique ; pour les milieux économiques, d’une mise à mort annoncée. Car une telle accélération des transformations climatiques écolo-gauchistes revient à imposer à une métropole industrielle et portuaire de presque deux millions d’habitants un effondrement certain de la compétitivité locale et, bien entendu, de la viabilité de la métropole pour la plupart de ses habitants. La Chambre de commerce de Hambourg parle déjà d’un coût total dépassant les 60 milliards d’euros (donc quatre fois les revenus fiscaux annuels), sans compter l’impact indirect sur les PME, l’immobilier et la logistique portuaire. La ville, qui dépend largement des terminaux pétroliers et du transport maritime international, se voit contrainte de restructurer des milliers d’emplois, tout en faisant face à une crise du logement déjà dramatique.

Les effets concrets se font déjà sentir :

  • plusieurs entreprises de logistique ont annoncé vouloir transférer leurs opérations vers Brême, Rotterdam et Anvers ;
  • les rénovations imposées aux propriétaires pourraient atteindre plus de 1000 euros par m², ce qui condamnera des dizaines milliers de ménages à vendre soudainement leurs biens à des prix probablement dérisoires ;
  • la création de zones à émission zéro va rendre impossible à de nombreux travailleurs défavorisés de se rendre dans la métropole en voiture et leur faire perdre encore plus de temps dans des systèmes de transport public dysfonctionnels ou simplement inexistants ;
  • le budget municipal, plombé par les nouvelles dépenses, devra probablement réduire d’autres postes essentiels, accélérant encore un peu plus le déclin de la ville annoncée depuis de nombreuses années ; etc.

En somme, Hambourg a voulu sauver à elle toute seule le climat planétaire en sacrifiant ainsi non seulement toute son activité économique, mais aussi ses classes moyennes et défavorisées.

L’affairisme écologique

Pourquoi cette décision suicidaire ? Comment expliquer cette autodestruction annoncée ? Tout d’abord, il y a évidemment le fondamentalisme écologiste de certains milieux écologistes extrêmement influents en Allemagne, où les médias, les universités et les grandes administrations sont toutes complètement dominées par un personnel formaté, dès l’école maternelle, à vouloir « sauver la planète » tout en menant une vie assez cossue. En effet, la plupart des écologistes appartient aux classes moyennes supérieures et sont employés directement ou indirectement par le secteur public, de manière à ce qu’ils ne subissent aucunement les conséquences immédiates de leurs actions.

Mais il y a plus – beaucoup plus. Car pour comprendre les motivations derrière ce suicide, il faut se souvenir du scandale Graichen, qui a révélé la collusion entre certains responsables du ministère de l’Économie, des ONG écologistes et des cabinets de conseil privés. Patrick Graichen, secrétaire d’État au ministère de l’Économie et proche du ministre écologiste Robert Habeck, fut contraint à la démission après la révélation de sa mise en place d’un système pseudo-écologiste circulaire corrompu, où les mêmes acteurs qui rédigeaient les avis d’experts les transposaient ensuite en réglementations climatiques légales et profitaient ensuite des subventions pour les mettre en œuvre. Ce modèle s’est étendu depuis longtemps à toute l’Allemagne : derrière le vernis moraliste de la transition énergétique se cache un complexe économico-idéologique où les convictions servent de façade à des réseaux de corruption aux dimensions astronomiques ; mais ces dérives sont considérées comme preuve d’une « société civile » résiliente et responsable.

Mais il y a encore pire : l’expropriation de la classe moyenne au nom du climat profite immédiatement à des acteurs économiques et financiers bien connus. Ainsi, le richissime chancelier Friedrich Merz a travaillé pendant de nombreuses années pour BlackRock, le plus grand gestionnaire d’actifs au monde et premier investisseur global dans l’immobilier et les « fonds verts ». Dès lors, chaque nouvelle norme « écologique » votée au Bundestag crée immédiatement des opportunités en or pour la haute finance : la rénovation forcée des logements, l’obligation d’acheter des équipements certifiés, l’interdiction de chaudières bon marché, etc. , obligent les particuliers, incapables de suivre l’éternelle spirale des rénovations, à vendre leurs biens. Alors, BlackRock et consorts les rachètent, à prix réduit, et profitent de leur taille immense pour réaliser les investissements nécessaires à des coûts réduits. Résultat : la propriété privée s’effondre, la concentration du capital s’accroît. Ainsi, sous couvert d’écologie, on assiste à une prolétarisation silencieuse de la classe moyenne allemande, et c’est la haute finance qui en bénéficie : peu étonnant qu’une grande partie des ONG écologistes sont financées par des grands acteurs économiques…

Le cas de Hambourg n’est donc pas une exception mais un laboratoire. Le référendum a été salué par les médias allemands comme un acte de « maturité démocratique » ; il s’agit en réalité d’un triomphe de la culpabilité morale sur le bon sens. La ville contribue à moins de 0,02 % des émissions mondiales ; sa « neutralité carbone » n’aura donc aucun effet mesurable sur la planète. Mais son coût social et économique sera colossal. Car derrière les slogans – “sauver la planète”, “agir maintenant”, “zéro émission” – se cache un transfert de souveraineté : le citoyen devient client, le politique devient comptable du carbone, et l’économie réelle se met au service d’un idéal abstrait, défini ailleurs, dans les bureaux de la Commission européenne ou de BlackRock.

Le déclin européen

Mais de l’autre côté de l’Atlantique la situation est en train de s’inverser. Aux États-Unis, la « vague verte » semble avoir dépassée son apogée. Les grandes entreprises, jadis militantes de l’idéologie ESG (Environnemental, Social, Gouvernance), se réalignent sur la politique industrielle réaliste lancée par Donald Trump. Sous pression du nouveau président, les capitaux se détournent des projets écologiques spéculatifs pour revenir vers les énergies traditionnelles, les infrastructures, l’industrie lourde, la défense et les transports. Les géants de la finance, de Vanguard à BlackRock, s’adaptent rapidement : ils suivent le pouvoir, non les idéaux, et, avec cette réorientation, c’est tout le financement des ONG et des médias écologistes qui s’assèche ; le militantisme moral, sans argent ni relais politiques, commence à se déliter.

Cette inflexion américaine montre une vérité brutale : l’idéologie écolo-gauchiste n’a jamais été qu’un outil de pouvoir pour les riches et puissants. Tant qu’elle servait à orienter les flux de capitaux, à cimenter le pouvoir d’une caste politique et à réduire les classes moyennes au silence, elle prospérait ; désormais, elle est utilement remplacée par un pragmatisme économique assumé, et ce sont bien évidemment les mêmes qui restent aux manettes.

Reste la question : l’Europe suivra-t-elle ? Rien n’est moins sûr. Le vieux continent, hanté par sa culpabilité historique et sa dépendance morale au « consensus international », risque de demeurer le dernier bastion du complexe écolo-financier lourdement appuyé par les élites du parti démocrate américain. Les dirigeants européens, incapables de rivaliser industriellement avec les États-Unis ou la Chine, préfèrent s’ériger en gardiens de la vertu climatique afin de consolider leur pouvoir politique et leurs liens avec la haute finance. Mais à force de punir ses propres citoyens, l’Europe s’épuise : ses métropoles, naguère florissantes, s’enlisent dans la dette verte et l’immobilier en crise ; ses classes moyennes, étranglées, se détournent de la démocratie ; son industrie, découragée, se délocalise. Et pendant ce temps, le climat, lui, n’en a strictement rien à faire.

Le destin de Hambourg devrait servir d’avertissement. Une véritable écologie ne consiste pas à ruiner les peuples pour des gains symboliques, mais à restaurer une vraie continuité entre l’homme, la nature et la culture. Tant que l’Europe persistera à confondre vertu et soumission, elle s’enfoncera dans la dépendance et le déclin dont seul quelques élites et minorités chouchoutées tireront un bénéfice concret.

 

 

 


Politique Magazine existe uniquement car il est payé intégralement par ses lecteurs, sans aucun financement public. Dans la situation financière de la France, alors que tous les prix explosent, face à la concurrence des titres subventionnés par l’État républicain (des millions et des millions à des titres comme Libération, Le Monde, Télérama…), Politique Magazine, comme tous les médias dissidents, ne peut continuer à publier que grâce aux abonnements et aux dons de ses lecteurs, si modestes soient-ils. La rédaction vous remercie par avance.

Facebook Twitter Email Imprimer

Abonnez-vous Abonnement Faire un don

Articles liés

Tribunes

Comment en finir ?

Comment en finir ?

Par Hilaire de Crémiers

L’homme aime donner l’apparence d’être le maître du monde. Alors qu’il est obligé de se battre pour l’être chez lui, tant l’esprit gauchiste, ce qu’il est convenu d’appeler le « wokisme », imprègne, et depuis de longues années, la société américaine, dans les strates de l’État profond, dans les campus universitaires, dans un certain nombre d’États démocrates comme la Californie, dans les plus grandes villes comme New York ou même Washington.