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Triste anniversaire

Il y a vingt ans, Maurice Allais entamait son combat contre la mondialisation et l’Europe fédérale. En 2025, tout lui donne raison.

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Triste anniversaire

La mise en garde d’Allais commença par une tribune dans Le Monde, le 14 mai 2005, en plein débat sur la prétendue « constitution européenne ». Le brûlot, intitulé « Aveuglement » est une charge rigoureuse, brillante, mais solitaire, contre le projet Giscard, reprenant les analyses implacables de son livre-monument de 1999 (épuisé et jamais réédité), La mondialisation, la destruction des emplois et de la croissance. De Maurice Allais (1911-2010), le public informé retient d’abord qu’il fut « prix Nobel d’économie » (pour simplifier ce titre), que ce polytechnicien, passionné d’histoire, fut aussi un grand astrophysicien, et encore qu’il eut des positions politiques. Notamment, et courageusement, contre les conditions dramatiques dans lesquelles la France avait quitté l’Algérie, ce qui lui aliéna et la gauche et les gaullistes ; et il avait raison, ce que la déplorable relation de la France à l’Algérie, depuis 63 ans, démontre chaque jour.

Mais ce sont sans doute ses analyses en économie politique qui firent que, comme il l’écrivit sur le tard avec son humour amer, « il était un prix Nobel d’économie devant sa télévision ! », car il n’y fut quasiment jamais invité… Il faut dire qu’en France nos politiciens, galonnés ou énarques, savent tout ; et depuis la Terreur on sait bien que « la République n’a pas besoin de savants ». À la différence de tous les autres pays du monde (sauf la Russie poutinienne) où les savants sont honorés et leurs avis sollicités.

Pire encore, voilà qu’Allais, prenait des positions en pointe contre l’Europe fédérale, l’euro, la mondialisation. De quoi se mettre encore un peu plus à dos le PS, l’UMP-LR, les milieux financiers, les lobbys bruxellois, les médias, les présidents de la république successifs, et même les économistes en cours, toujours prêts à courtiser les puissants. Sans oublier les banques dont il démontra que, lorsqu’elles accordent des crédits avec l’argent qu’elles ne possèdent pas (accords de Bâle II), on peut les comparer à des faux monnayeurs… Bigre !

C’est son indépendance d’esprit qui frappe chez Allais, et surtout la rigueur du vocabulaire économique et du raisonnement juridique. Tout est défini méticuleusement et notamment, ce qui est rarissime chez les économistes, il s’attache à comprendre les règles juridiques européennes avec précision, et à en projeter les conséquences. Et évidemment, il a raison, car comment parler des projets européens si on ne connaît pas le sens et la portée des mots employés, pour les remplacer par des slogans puérils ? (relire le savoureux Bêtisier de Maastricht, de J- P. Chevènement, 1997).

En 2008, les parlementaires, réunis en 2008 en Congrès, violèrent la constitution et la démocratie

Dans sa célèbre tribune du Monde, Allais désossait l’argument, ânonné alors à l’identique par l’UMP et le PS ; il épinglait notamment Jack Lang, et Jacques Chirac selon lequel « le projet de Constitution, s’il était adopté, représenterait un rempart majeur contre “les excès du libéralisme” ». Allais remarque que le mot libéralisme est contre-employé car ce dont on prétendait nous protéger n’était pas le « libéralisme » mais la « chienlit laisser-fairiste » (sic). À juste titre Maurice Allais corrigeait ces graves contre-vérités (délibérées) car l’article III-314 du projet de Constitution indiquait que « par l’établissement d’une union douanière, conformément à l’article III-151, l’Union contribue, dans l’intérêt commun, au développement harmonieux du commerce mondial [sic], à la suppression progressive des restrictions aux investissements étrangers directs, ainsi qu’à la réduction des barrières douanières et autres ». C’est donc que la prétendue constitution, bien loin de protéger les Français, persistait à « supprimer toute protection des économies nationales de l’UE » avec le libre échangisme mortel, déjà gravé à l’identique depuis 1974 dans l’article 110 du Traité. Cela a « généré un chômage massif sans aucun précédent et la destruction progressive de l’industrie et de l’agriculture » du fait d’importations, de production à bas coût et de délocalisations. Et Allais de conclure : « les partisans du Oui trompent ceux qui les suivent ». On sait ce qu’il advint : la nation rejeta clairement la pseudo-constitution européenne à 55 % (référendum de 2005). Mais par la suite les mêmes puissants intérêts manipulèrent les parlementaires, de droite et de gauche, qui, réunis en 2008 en Congrès, violèrent la constitution et la démocratie, en adoptant le Traité de Lisbonne, identique, et dont les conséquences furent dramatiques pour notre pays. Que les lecteurs se demandent pourquoi les mêmes politiciens et médias s’acharnent contre Donald Trump : c’est qu’il a entrepris de mettre un terme au multilatéralisme et au mondialisme, à la « chienlit laisser-fairiste » (et affairiste). Et on ne voit pas comment, alors que la plus puissante des nations rétablit des écluses (et pas des murs) pour éviter la nécrose de son tissu industriel, le système bruxellois pourrait se maintenir tel quel et seul dans son « aveuglement ».

 

Henri Temple est universitaire, juri-économiste, philosophe, auteur de Nationisme.

 

 


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