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La représentation nationale dans une république démocratique

La comédie du budget et les hausses d’impôt qu’elle va entraîner posent clairement le problème du rôle de l’État et du contrôle que les Français, prétendument souverains, peuvent exercer sur lui : pourquoi consentir à un impôt aberrant ? Et comment croire encore que les partis incarnent la volonté populaire ?

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La représentation nationale dans une république démocratique

Le psychodrame politique qui agite la France depuis maintenant dix-huit mois, mais dont les prémices étaient déjà présentes depuis beaucoup plus longtemps, est révélateur des tares inhérentes au système ; tares qui paraissaient indolores en période de vaches grasses mais qui deviennent tragiquement insupportables lorsque le temps de vaches maigres est venu. Le fonctionnement des institutions en France a désormais atteint un niveau dramatiquement caricatural avec le misérable spectacle du vote d’un budget pour 2026.

La provocation budgétaire

Au lendemain du 14 juillet dernier, les Français avaient enfin entendu dire clairement qu’ils vont être appelés à payer (cher) les dépenses idéologiques et démagogiques initiées par les hommes politiques qui se succèdent au pouvoir depuis un demi-siècle. Présentée de manière fallacieuse par les gouvernements successifs, la remise en ordre des finances publiques ne passera pas par une diminution des dépenses publiques, surtout des dépenses que les Français ne veulent pas assumer, mais par une augmentation généralisée des impôts, taxes et prélèvements en tous genres pour lesquels l’Administration possède une imagination sans limite. Les premières indications données par le ministère Lecornu II ne laissent place à aucun doute. Tout le monde sera appelé à contribuer au remplissage du tonneau des Danaïdes dont nul ne songe à combler le fond. Les impôts vont donc augmenter pour tous. Le fait que 200 000 ménages supplémentaires soient appelés à contribuer à l’effort national n’est pas scandaleux en soi à condition que cet effort puisse servir au bien commun. La suppression de certaines niches fiscales n’est pas une anomalie dans la mesure où elles n’étaient que des privilèges dont l’utilité n’était pas manifeste sauf pour s’attacher, quelques votes particuliers. La remise en cause de l’abattement de 10 % sur les retraites est plus contestable dans la mesure où la cause dont on l’affuble aujourd’hui n’a rien à voir avec le motif d’égalité de l’assiette fiscale pour lequel il avait été institué ; mais à l’époque on n’avait pas osé l’appeler par son nom : les salariés et les retraités étaient réputés ne pas pouvoir dissimuler certaines recettes comme le faisaient d’autres contribuables. Il faut croire que ces autres contribuables sont devenus vertueux ou que les retraités sont devenus plus corrompus que les salariés… au même titre donc que les autres contribuables ! Quant au pouvoir d’achat que tous les partis se sont engagés à maintenir, il va se trouver largement amputé par le gel des barèmes et par la baisse de certaines « aides personnalisées ». Après la provocation de la composition du ministère Lecornu I, le pays a droit à la provocation du budget du ministère Lecornu II.

Le Parlement et le consentement à l’impôt

Les plus légalistes prennent le soin de rappeler que l’un des rôles premiers du Parlement est de voter le consentement à l’impôt. Pour désigner les Parlementaires qui seront appelés à le faire, les Français sont chargés de désigner démocratiquement leurs représentants à qui cependant ils n’ont pas le droit de donner un mandat impératif. Or, le système est totalement dévoyé. D’abord par le fait que, comme on vient de le voir, le mandat n’est pas impératif et qu’une fois élu le parlementaire est libre de tout engagement – sauf vis-à-vis du parti auquel il cotise – et ne prend pas la peine de véritablement se soucier de ceux qui l’ont élu… sauf pour accorder quelques avantages à tel ou tel leader d’opinion qui saura lui renvoyer l’ascenseur lors des élections suivantes. La seconde raison du dévoiement est le fait qu’il n’y a aucune liaison entre l’électeur et l’impôt qu’il doit payer : la moitié des ménages français ne paye pas d’impôt sur le revenu et, selon les statistiques officielles de la Direction générale des Finances publiques, en 2022, 87 % des recettes de l’État provenaient d’à peine 17 % des foyers fiscaux. Autrement dit, ceux qui reçoivent la charge de consentir à l’impôt sont élus par une majorité de personnes qui n’en payent pas directement et qui n’ont pas conscience de la charge que représente ceux qu’ils payent indirectement. On comprend que ceux-là, devant les difficultés de la vie privée de leurs électeurs et habitués à en appeler toujours à l’État-providence, n’aient aucun scrupule à renvoyer toute nouvelle charge sur ceux à qui ils ne doivent rien. Enfin, contrairement à ce qui serait normal dans une société réelle, les députés se sentent plus intéressés par le vote de lois sociétales qui leur permettent d’imposer leur idéologie matérialiste et mortifère que par le contrôle de l’exécutif et le respect du peuple.

Le jeu des partis

Dans un système où le parti a pour l’élu plus d’importance que l’électeur et où toutes les institutions politiques, sociales et judiciaires, sont dominées par la lutte égoïste des idéologies relativistes et matérialistes, il n’existe plus aucun arbitre qui puisse sauvegarder l’unité nationale et les grands équilibres à long terme. Là encore, le pays en est arrivé à un stade caricatural. Un parti qui ne représente pas 1,7 % de la population se trouve l’arbitre provisoire des luttes d’intérêts. Ceux qui se présentent comme « Les Républicains » se déchirent allègrement devant tout le monde car ils ne sont unis que dans le reniement à tout ce qu’ils ont prétendu vouloir sauver. Les « Insoumis » n’arrêtent pas de mettre en avant les intérêts de tous ceux qui ne se sentent pas ou ne veulent pas se sentir membres de la communauté nationale. Quant au Rassemblement national, il porte bien mal son nom, lui qui refuse toute véritable « union des droites » et finalement fait le lit du « front républicain » dont il se présente comme l’unique victime. Dominés par leur idéologie, ne se souciant que peu du bien commun, les partis se disputent, non le pouvoir, mais les prébendes et les « honneurs ». On le voit bien aujourd’hui où les députés n’osent pas désavouer le gouvernement qui leur est imposé par le chef du moment, quoiqu’ils n’en veulent pas et qu’ils ne veulent pas de la politique qu’il impose, car ils ont simplement peur d’être obligés de retourner vers leurs électeurs et que ceux-ci – se sentant enfin responsables des conséquences de leur vote – ne leur fassent payer ce qui apparaît comme une véritable trahison.

Si l’état actuel de la France est grave, si la situation paraît caricaturale il ne faut pas s’en étonner. Le système en place est arrivé au bout de sa logique. Sans véritable chef pour donner les orientations fondamentales la Ve République n’est plus qu’un coq qui a perdu sa tête et qui court en tous sens avant la chute finale. Mais dans cette agitation désordonnée tous les excès sont encore possibles, « en même temps » ! Les médias, tout aussi sans tête, mais tributaires des fonds publics qui leur sont octroyés au nom du peuple, cherchent de piètres excuses aux dérives actuelles tout en répétant à longueur de temps les bienfaits de la démocratie. Ils feraient bien de relire l’enseignement de saint Jean-Paul II pour qui la démocratie est « fondamentalement un système et, comme tel, un instrument et non pas une fin ». C’est pourquoi « la valeur de la démocratie se maintient ou disparaît en fonction des valeurs qu’elle incarne et promeut » (Evangelium vitae). Il ne faut donc pas s’étonner si, comme lui, on constate qu’« une démocratie sans valeurs se transforme facilement en un totalitarisme déclaré ou sournois » (Centesimus annus).

 

Illustration : La vérité, si je mens ! Laurent Nuñez, ministre de l’Intérieur.

 

 


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